Du bon usage de la

Deux années seulement après son introduction par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde, peu utilisée, a été réformée par une ordonnance du 18 décembre 2008, afin d'en élargir les critères d'ouverture.Désormais, le chef d'entreprise doit simplement démontrer qu'il est confronté à des difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, le spectre de la cessation des paiements ayant été supprimé.Cette procédure a alors connu un regain d'intérêt immédiat auprès des dirigeants d'entreprise en difficulté, seuls habilités à la solliciter, et qui y trouvent de multiples avantages.Cette procédure permet effectivement au dirigeant d'obtenir en amont des difficultés l'arrêt des poursuites de ses créanciers et le gel de son passif antérieur, tout en demeurant à la tête de son entreprise. Profitant ainsi d'une période d'accalmie, il peut élaborer des mesures de restructuration et négocier avec ses créanciers. Mais le risque d'abuser de cette faveur légale n'est pas inexistant. Certaines procédures de sauvegarde ont ainsi été ouvertes sans que les sociétés l'ayant demandée n'aient justifié de difficultés insurmontables, et l'on pouvait redouter que la sauvegarde devienne pour certains un moyen de se soustraire à l'exécution de leurs obligations, avec l'aval de certaines juridictions déniant tout recours aux créanciers, comme un arrêt de la cour d'appel de Dijon du 30 juin 2009 l'a illustré dans l'affaire Belvédèrete;dère.Ces décisions avaient ému les investisseurs français et étrangers, confrontés au risque de voir leurs investissements remis en cause, non par des circonstances économiques, mais par l'inexécution délibérée, par leurs débiteurs, de leurs engagements financiers.Les auteurs de ces lignes avaient appelé de leurs voeux (« La Tribune » du 19 avril 2009) que la jurisprudence pose des garde-fous et permette aux créanciers d'exercer utilement des recours contre des procédures de sauvegarde ouvertes dans de telles conditions.Après que la Cour de cassation a admis, dans l'affaire Eurotunnel, le principe de la contestation par les créanciers des décisions d'ouverture de procédures de sauvegarde, cette requête semble avoir été entendue, aux termes de deux arrêts rendus par la cour d'appel de Paris, le 25 février 2010, dans l'affaire Mansford et dans l'affaire de la tour Coeur Défense.Ces deux affaires concernent des sociétés, propriétaires d'immeubles donnés en location, qui avaient contracté des crédits d'acquisition soumis à des conditions (« covenants ») dont le non-respect emportait la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des encours.La crise financière et la chute du marché immobilier ayant mis en péril l'équilibre des contrats conclus, les sociétés propriétaires sollicitèrent l'ouverture de procédures de sauvegarde.Dans ces deux affaires, la cour d'appel de Paris s'est montrée d'une grande sévérité à l'égard des sociétés demandant la protection de la loi, refusant, dans l'affaire Mansford, d'ouvrir une telle procédure et allant même, dans l'affaire Coeur Défense, jusqu'à annuler, après seize mois d'application, la sauvegarde ouverte par le tribunal de commerce de Paris, ce qui, à notre connaissance, constitue une première en France.Notamment dans l'affaire Coeur Défense, après avoir accepté sans restriction le recours de créanciers, la Cour a considéré que le coût supplémentaire - de l'ordre d'une vingtaine de millions d'euros - généré par la souscription, en pleine crise financière, à l'automne 2008, de nouveaux contrats de couverture du risque de variation des taux d'intérêt, ne caractérisait pas une difficulté insurmontable de la société propriétaire. Dans ces deux affaires, la Cour a affirmé avec force que la procédure de sauvegarde ne pouvait être sollicitée dans le seul but de faire échec à des clauses contractuelles. En somme, c'est l'instrumentalisation de la sauvegarde qui est condamnée, à juste titre.Mais il ne faudrait pas que nos juridictions passent d'un angélisme coupable à une sévérité excessive dans l'appréciation du critère d'ouverture de la sauvegarde. Il reste donc à la jurisprudence à dégager une position équilibrée, écartant de la protection de la loi les malins, mais ne dissuadant pas les chefs d'entreprise éprouvant de réelles difficultés économiques de recourir à cette procédure, dont les mérites sont certains. nPoint de vue Gabriel Sonier (*) et Michel Menjucq (**) (*) Avocat (**) Professeur à l'école de droit de la Sorbonne (Paris I)
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