La fin d'un « Monde »

Quelle que soit l'issue du vote soumis ce lundi au conseil de surveillance du groupe Le Monde, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour cette institution qu'est le quotidien du soir. Réunis au sein de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM), les quelque 330 journalistes du quotidien vont perdre le contrôle du journal. Un contrôle qui était le ciment de la structure juridique originale mise en place par le fondateur du « Monde », Hubert Beuve-Méry. Créée en 1951, sept ans après le lancement du journal, la Société des Rédacteurs devait garantir l'indépendance du journal à l'égard des intérêts économiques ou politiques en étant l'actionnaire de référence.Malgré la réduction progressive de cette position capitalistique et l'arrivée de nouveaux actionnaires au gré des crises, le schéma juridico-financier avait tenu et l'indépendance économique et éditoriale du quotidien, comme des autres titres du groupe (« Télérama », « Courrier international », « La Vie »), avait été conservée. C'est forts de ce pouvoir que les journalistes et les salariés étaient en situation de choisir à qui ils confieraient le contrôle du groupe. Ils se sont massivement prononcés vendredi (entre 80 % et près de 100 % selon les catégories de personnel) pour l'offre présentée conjointement par Pierre Bergé (ex-Yves Saint Laurent), Xavier Niel (Free) et Matthieu Pigasse (Lazard).seconde offre maintenueIl n'y a donc plus guère de suspense, mais c'est au conseil de surveillance présidé par Louis Schweitzer qu'il revient de trancher. Car l'offre concurrente présentée par Claude Perdriel (« Le Nouvel Observateur »), le groupe espagnol de médias Prisa et l'opérateur télécoms Orange reste sur la table. Et certains, comme l'Association Hubert Beuve-Méry (8,7 % du capital), la soutiennent. « Ce sont les administrateurs indépendants qui lui ont demandé de maintenir son offre afin qu'ils puissent les examiner pour se prononcer », nous affirme-t-on dans l'entourage de Claude Perdriel. Et d'ajouter que « Claude Perdriel a bien précisé qu'il retirerait son offre au terme du processus, compte tenu du vote des salariés ». Prisa, qui détient 15 % du « Monde », est resté silencieux sur ses intentions depuis la défaite de vendredi.La majorité au conseil de surveillance est de 11 voix sur 20 sièges (lire ci-contre) et, traditionnellement, les actionnaires extérieurs alignent leur vote sur ceux des salariés. Ces derniers ont un droit de veto, mais pas la majorité pour imposer leur choix. Le blocage paraît inconcevable, car cela mènerait au dépôt de bilan dès le 10 juillet. Actionnaires, salariés et créanciers ont tous intérêt à se lancer dans l'aventure Bergé-Niel-Pigasse, malgré les inconnues qu'elle comporte.
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