Keynes pas mort : même Standard & Poors le dit

Qui pense encore que la réduction du déficit public peut avoir lieu sans effet négatif sur la croissance ? Longtemps, des économistes dits « néo-ricardiens », ou des banquiers centraux comme Jean-Claude Trichet, on voulu croire en ce que Paul Krugman appelle la « fée confiance ». De quoi s'agit-il ? En renforçant leur confiance en l'avenir, la baisse du déficit incite les consommateurs à consommer et les entrepreneurs à investir, puisqu'ils craignent moins de futures hausses d'impôts, professaient ces théoriciens. Du coup, l'impact négatif de la restriction budgétaire initiale s'en trouve annulé. Mieux : à moyen terme, la croissance est renforcée.Les Keynésiens crient victoireCette thèse, brocardée par Krugman, peu la soutiennent encore aujourd'hui, alors qu'apparaissent clairement les effets des restrictions budgétaires en Europe. A l'opposé, les keynésiens peuvent crier victoire, ils ont raison, eux qui ont toujours mis en garde contre les effets néfastes sur la croissance des plans d'ajustement des comptes publics. Surtout en période de basses eaux conjoncturelles. Même des acteurs de l'économie, dont on ne soupçonnait pas les penchants keynésiens, en viennent à adhérer à leurs thèses. Ainsi, l'agence de notation Standard & Poors a publié récemment, sous le titre « zone euro : nouvelle récession confirmée »  une étude montrant à quel point les multiplicateurs keynésiens sont aujourd'hui importants : à savoir, l'effet de la politique budgétaire restrictive apparaît beaucoup plus élevé que prévu.Un impact beaucoup plus négatif que prévu des restrictions budgétaires, selon S&PLes économistes de S&P le soulignent : « ce qui est frappant dans cette crise, depuis 2008, c'est que les ajustements budgétaires ont eu un effet beaucoup plus négatif sur la croissance que ce que prévoyait le Fonds monétaire international (FMI). Par exemple, en Grande-Bretagne, la contraction budgétaire équivalente à 4% du PIB a eu un impact négatif deux fois plus important que ne le laissent penser les multiplicateurs habituels ». Elle a entraîné une chute du PIB de 3,9% sur la période 2009-2011, alors que le modèle du FMI prévoyait une baisse de 1,9%. C'est encore plus flagrant pour l'Espagne. Les coupes budgétaires (3,4% du PIB) ont fait chuter le PIB de 7,1%, alors que le FMI tablait sur une baisse limitée à 1,7%. Sans parler de la Grèce, où les mesures d'austérité, à hauteur de 11,9% du PIB, ont provoqué une chute de 18,1% de la richesse nationale produite chaque année. Avec, en conséquence, une efficacité nulle : la disparition des recettes fiscales liée à l'effondrement de l'activité aboutit in fine à un creusement du déficit que le gouvernement voulait réduire.Des politiques d'austérité simultanéesD'où viennent ces effets keynésiens d'une puissance inattendue ? «Il y a plusieurs explications » répond S&P. « Les économies des pays développés ont entamé un processus de restrictions budgétaires presque toutes en même temps. Alors que les politiques de consolidationmenées précédemment (au Canada, Finlande, Italie ou Suède) avaient eu lieu dans un contexte de forte croissance mondiale. Dans le cas de la Suède, les exportations ont augmenté de 6,5% par an en moyenne entre 1991 et 1995, au moment des restrictions ».En outre, souligne S&P, « au début de cette crise, les pays européens, notamment l'Allemagne, ont bénéficié de la demande des marchés émergents. Surtout de la Chine, qui a relancé son économie. Mais ce soutien a pris fin début 2011. » A tel point que les importations des pays émergents, qui avaient grimpé de 10,3% en 2010, ont simplement stagné au cours du premier semestre 2012 (+0,3%).Mais S&P ne dit pas ce que l'Europe devrait faire, aujourd'hui. L'agence qui souligne la faillite des politiques de restriction ne manquerait pas de sanctionner les Etats qui renonceraient à tenter de baisser leur déficit.  
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