Air Liquide dans les starting blocks en attendant la voiture à hydrogène

Sur le papier, les arguments de l\'hydrogène utilisé dans les véhicules électriques ne manquent pas. Utilisée seule ou en complément d\'une batterie, la pile à hydrogène peut améliorer sensiblement l\'autonomie d\'un véhicule électrique, qui reste aujourd\'hui l\'une des principales appréhensions des automobilistes. Cerise sur le gâteau, cet hydrogène pourrait dans certains cas présenter un contenu nul en carbone, ce qui est l\'un des arguments massue invoqué par les défenseurs de la voiture électrique.Plusieurs pistes pour un hydrogène décarbonéCertes, celui produit à partir de gaz naturel, via la méthode la plus commune, affiche un contenu en CO2 de 120 gr par kilomètre, \"soit 20 à 30 % de moins qu\'un modèle diesel équivalent\", rappelle Pierre-Etienne Franc, Directeur des Technologies du Futur au sein de Air Liquide. Mais d\'autres méthodes existent pour produire un hydrogène décarboné. Par exemple, capter à la source le CO2 émis lors de la fabrication comme cela va être fait à l\'usine de Notre-Dame de Gravenchon près du Havre. Ou le produire par électrolyse, ce qui permet en outre de décentraliser la production. \"Le coût de revient (de 5 à 6 euros aujourd\'hui) est un peu plus élevé, mais c\'est aussi une solution qui fait le lien entre le monde de l\'énergie et celui du transport, car elle permet de stocker les énergies intermittentes.\"Une solution de stockage pour les énergies renouvelablesC\'est d\'ailleurs pour cette raison que l\'Allemagne, où ces énergies renouvelables sont déjà très développées et qui prévoit encore d\'importantes fermes éoliennes en mer, a un train d\'avance. L\'exploitant de fermes éolienne Enertrag a ainsi construit la première centrale hybride au monde, qui alimente en hydrogène une station située à proximité de l\'aéroport de Berlin. Air Liquide compte également sur l\'intérêt des régions françaises où l\'éolien offshore est appelé à se développer, comme la Normandie. \"Il nous faut encore travailler pour avoir des électrolyseurs moins chers et plus flexibles\", admet Pierre-Etienne Franc. Troisième piste : fabriquer l\'hydrogène à partir de gaz naturel fatal (co-produit lors d\'un process industriel), soit en l\'injectant dans le réseau, soit en l\'utilisant sur place.2000 stations en Allemagne d\'ici à 2025Oui, mais à ce jour, utiliser l\'hydrogène comme carburant  n\'est pas une option que les constructeurs automobiles français ont choisie. « Contrairement aux Allemands, ils ont plutôt des gammes de petits modèles, pour lesquels la batterie électrique offre une autonomie suffisante », commente Pierre-Etienne Franc. Une fois de plus, en matière d\'énergies renouvelables, l\'Allemagne est montrée en exemple. Plus encore que d\'habitude, d\'ailleurs, étant donné l\'excellence reconnue à nos voisins d\'outre-Rhin dans le secteur automobile.Un projet pilote visant l\'installation de 50 stations à hydrogène d\'ici à 2015 y est actuellement déployé, soutenu financièrement par des industriels dont Air Liquide et des pétroliers.Un autre projet, \"plus structurant encore, selon les termes de Pierre-Etienne Franc, réunit une vingtaine d\'entreprises dans la perspective du déploiement d\'une infrastructure complète.\" L\'objectif est autrement ambitieux, puisqu\'il s\'agit de déployer 300 stations d\'ici à 2018 et 2000 en 2025.Déployer une infrastrsucture pour accueillir les véhicules étrangersBien sûr la part du nucléaire dans le mix énergétique français, qui permet de proposer une électricité quasiment décarbonée, ne favorise guère l\'avènement de l\'hydrogène. \"Mais décarboner complètement les transports français, pour réussir la transition énergétique, passera nécessairement par l\'utilisation de l\'hydrogène, veut croire Pierre-Etienne Franc. La batterie sera réservée à une utilisation urbaine et l\'hydrogène à l\'intercité. D\'ailleurs, Carlos Ghosn lui-même a évoqué cette piste\", rappelle-t-il.\"Il ne faut pas attendre que les véhicules français soient prêts pour déployer une infrastructure, prévient-il. Il faut que d\'ici 2 à 3 ans on soit en mesure d\'accueillir des véhicules étrangers, notamment des taxis et des bus à Paris. Les régions riches en énergies renouvelables ou encore celles limitrophes de l\'Allemagne sont motrices\", assure-t-il.Des emplois en amont et en aval de la voitureDes discussions sont en cours pour obtenir des fonds du grand emprunt. Quoi qu\'il en soit, l\'AFHYPAC (Association Française pour l\'Hydrogène et les Piles à Combustible), présidée par la directrice du programme « horizon hydrogène énergie » de l\'Air Liquide, va lancer une étude de déploiement sur le marché français. \"Renault pourrait démarrer très rapidement grâce à son partenaire Nissan\", dont c\'est une spécialité, comme la plupart des constructeurs japonais. A l\'instar de celle entre BMW et Toyota, d\'autres alliances existent, sur un sujet coûteux où les constructeurs sont incités à collaborer. \"Les enjeux en termes d\'emploi ne portent pas seulement sur la voiture, mais aussi en amont et en aval\", souligne Pierre-Etienne Franc. A ses yeux, les investissements (1 milliard d\'euros pour 1.000 stations, et 500.000 véhicules pour les rentabiliser), n\'ont rien d\'insurmontable, surtout en regard du risque de devoir d\'ici quelques années recourir à des industriels étrangers ayant pris une longueur d\'avance.100 milliards d\'euros pour 10 % du parc mondialAir Liquide est leader mondial d\'un marché des gaz industriels qui pèse 60 milliards d\'euros, et la consommation d\'un million de véhicules à hydrogène ne représente qu\'un milliard d\'euros. \"Mais si 1 % du marché automobile mondial roulait à l\'hydrogène, cela représenterait 15 milliards d\'euros, et 100 milliards si cette part passait à 10 %.\"Surtout, alors même que des projets sont développés au sein d\'un programme européen dans le cadre du SET (Strategic energy technology plan) auquel participent d\'ailleurs plusieurs groupes hexagonaux dont Michelin, Zodiac, Safran, le CEA, Air Liquide... le désert français rend impossible le déploiement de la technologie du nord au sud du Vieux Continent.
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