Affaire EADS ? : l'AMF attendue sur son verdict

églementationNon-compétence, interprétation trop stricte de la directive européenne Abus de Marché, pièces non prises en compte? dans l'affaire EADS, la défense a fait feu de tout bois contre l'Autorité des marchés financiers. Au cours des 5 derniers jours, les membres de la commission des sanctions de l'AMF ont entendu les 17 protagonistes du dossier, soupçonnés d'avoir cédé leurs titres alors qu'ils avaient connaissance du retard dans la production de l'A380. Mais les accusés ne sont pas les seuls sous pression dans cette affaire hautement médiatique. Le gendarme de la Bourse joue une fois de plus une partie de sa crédibilité. Sanction ou pas, sa décision, attendue d'ici à la fin de l'année, sera commentée. « Jamais l'AMF n'a connu affaire d'une telle importance, du fait du nombre de personnes impliquées et de leur puissance. Il vaudrait mieux que son dossier et sa décision soient solides, car cette dernière fera l'objet d'un appel, comme c'est souvent la cas », reconnaît Jean-Jacques Daigre, professeur à l'École de droit de la Sorbonne et avocat au barreau de Paris. Mais, précise-t-il, « la commission des sanctions travaille remarquablement et son président, Daniel Labetoulle, est un fin juriste ».sous le feu de la critiqueReste que la procédure d'enquête de l'AMF est sous le feu de la critique. On lui reproche de ne pas avoir pris en compte dans ce dossier deux pièces importantes?: les négociations du britannique BAE pour se désengager d'Airbus et le rapport du cabinet McKinsey, mandaté par Airbus pour auditer le programme A380. « Celui-ci a bien été étudié par l'AMF », indique une source proche du dossier, mais il n'aurait pas été jugé convaincant. Le fait est néanmoins que « l'affaire EADS incitera peut-être l'AMF à modifier sa procédure d'enquête, tant du point de vue de la présomption d'innocence que du principe du contradictoire », commente Jean-Philippe Feldman, professeur agrégé et avocat à la Cour de Paris. « Les enquêtes de l'AMF sont en principe secrètes et non contradictoires. Les personnes mises en cause n'ont connaissance des pièces du dossier qu'après la notification des griefs. Ce qui ne leur laisse que deux mois pour apporter leurs réponses au rapporteur de la commission des sanctions. » Le gendarme ne serait pas fermé à l'amélioration de ses procédures. Le service des enquêtes est actuellement l'objet d'une mission de contrôle interne, non liée à l'affaire, avec l'objectif « d'optimiser le travail des enquêteurs ».Deuxième point de friction?: la question du grief. Le manquement d'initié que combat l'AMF impose un devoir d'abstention à toute personne disposant d'une information que n'ont pas d'autres actionnaires. « Le vrai problème, c'est qu'il n'existe jamais de preuve directe. En l'absence d'aveux, l'AMF doit se fonder sur un faisceau d'indices indiscutables », poursuit Jean-Jacques Daigre. Au risque d'être contredite en appel pour présomptions de fait insuffisantes. À quel moment les protagonistes de l'affaire EADS ont-ils pu être certains que le retard sur l'A380 serait irrattrapable?? C'est la question que la commission des sanctions doit trancher. Reste que, pour la défense, l'AMF est trop stricte par rapport aux textes européens?: ces derniers punissent ceux qui utilisent une information privilégiée alors que l'AMF impose une obligation d'abstention absolue. « Toute la question est de savoir si la directive européenne Abus de Marché est un texte d'harmonisation minimale, et ce qu'il faut entendre par le terme « d'utilisation » d'une information privilégiée. C'est précisément l'objet de la question préjudicielle actuellement posée par la Belgique à la Cour de justice des communautés européennes », souligne Hubert Segain, avocat associé chez Herbert Smith.
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