La crédibilité de l'euro mise à l'épreuve

Même la technologie refuse de se plier à la complexité de l'Europe. Au début de la séance plénière où intervenaient jeudi plusieurs chefs de gouvernement européens, la traduction ne fonctionnait pas. José Luis Zapatero, Premier ministre espagnol, a dû utiliser les services d'une interprète. Étrange scène, en vérité, que cette brochette d'Européens désargentés ? Zapatero, le grec Papandréou et l'estonien Zatlers ? qui multipliaient les efforts pour rassurer la communauté financière sur leur détermination à rejoindre le niveau de déficit maximum autorisé par Maastricht. Il n'y a pas dix ans, on entendait les mêmes serments d'ivrognes, mais proférés par les chefs de gouvernement de l'Argentine, de la Russie ou de la Corée du Sud.Ce sont aujourd'hui les Européens qui inquiètent. Nouriel Roubini, l'économiste cassandre de Davos, évoque désormais ouvertement le risque d'explosion de l'union monétaire, notamment à propos de l'Espagne et de la Grèce. Le financier George Soros, qui avait spéculé avec grand profit contre le système monétaire européen en 1992, expliquait mardi que « l'euro est une monnaie incomplète », lors d'un déjeuner en marge du forum.Le grec Papandréou a catégoriquement démenti l'information du « Financial Times » selon laquelle Athènes cherchait à placer sa dette auprès d'investisseurs institutionnels chinois, et indiqué qu'il ne cherchait pas à obtenir de fonds des autres membres de la zone. « Nous sommes pris pour cible, il y a de la spéculation », a-t-il regretté pour expliquer la forte montée des taux d'intérêt qui pénalise les obligations d'État grecques depuis quarante-huit heures. « Notre principal déficit est celui de la crédibilité, et pas celui des finances publiques », disait-il encore, en chargeant ses prédécesseurs et en pariant sur le fait que l'euro soit un « amortisseur » qui permette à la Grèce de régler ses problèmes.Son homologue espagnol a semblé, lui, très confiant sur la capacité du pays à revenir à 3 % de déficit en 2012, en égrenant les mesures d'austérité que son gouvernement devait annoncer vendredi : coupes budgétaires, réformes de la Sécurité sociale, etc. Zapatero a aussi répondu de façon indirecte à Roubini : « Personne ne va quitter l'euro », a-t-il répété avec une insistance presque inquiétante, la réponse légitimant la question.diversité des situationsDe son côté, Jean-Claude Trichet a lui aussi entretenu un dialogue implicite avec Roubini, en expliquant que la diversité des situations économiques au sein de la zone était comparable à celle qui existe aux États-Unis. En clair, elle n'a rien d'inquiétant, pour le président de la Banque centrale européenne. Quant à la situation budgétaire désastreuse des États membres ? 7 % de déficit public dans la zone euro en moyenne ? il a appelé chaque pays à faire son travail « à la maison », en pointant la similarité des situations dans tous les grands pays industrialisés, au-delà de la zone euro : « Nous avons tous des sujets très, très difficiles [?]. L'heure n'est pas à la complaisance ; pour nous tous, il y a des temps difficiles et un sérieux travail à faire », a-t-il déclaré.Interrogé par un participant sur l'état des banques en Europe, il a répondu : « Le principal défi [des banques commerciales], c'est de restructurer leurs bilans pour qu'elles fassent leur métier, c'est-à-dire financer l'économie réelle. » Une convergence inattendue avec le discours de Nicolas Sarkozy, mardi soir, qui avait utilisé presque les mêmes termes. Qui aurait dit que Jean-Claude Trichet retrouverait un jour Henri Guaino, le parolier et l'inspirateur du chef de l'État ? Décidément, les temps changent.
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