Je suis prêt à une crise en Europe plutôt que d'accepter le démantèlement de la PAC »

En se posant comme le garant de la politique agricole commune, Nicolas Sarkozy a tenté mercredi de dissiper les malentendus avec le monde paysan et d'amorcer une réconciliation avec cet électorat traditionnel de la droite, frappé par la crise. Contrairement à son prédécesseur Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy n'a jamais eu la fibre paysanne. Et son apparent désintérêt pour la question agricole lors de son élection présidentielle - sur fond de flambée des prix agricoles - a été durement ressenti au sein d'un électorat pourtant solidement ancré à droite. La crise, l'effondrement de certains prix de produits agricoles, les atermoiements du gouvernement face aux producteurs laitiers menacés de faillite et le couac du discours présidentiel de l'automne dernier ont accentué la fracture entre l'UMP et le monde rural.Le chef de l'État tente depuis de redresser la barre. Dans un discours prononcé lors de la clôture du Salon de l'agriculture, il n'a pas hésité à reprendre à son compte bon nombre d'arguments défendus par le puissant syndicat agricole FNSEA, lui-même fragilisé, quitte à remettre en cause son activisme environnemental. Apparemment trop tard pour rallier le monde paysan à sa bannière.Pour José Bové, député européen (Europe Écologie), le bilan électoral est sans ambiguïté : « Le total des voix de gauche a été supérieur à celui de l'UMP dans les départements ruraux et la montée du Front national est le signe d'un ras-le-bol généralisé. » Mobilisé dans la reconquête de l'électorat de droite, Nicolas Sarkozy n'a donc pas oublié, cette fois-ci, le monde paysan. Dans son discours de mercredi, il a même affiché un déterminisme sans faille : « Je le dis clairement, je suis prêt à aller à une crise en Europe plutôt que d'accepter le démantèlement de la politique agricole commune. » La sortie est aussitôt saluée par les principaux représentants des agriculteurs qui ne cessent de sonner l'alarme depuis plusieurs mois à l'aune d'un effondrement des revenus agricoles (34 % en 2009 après une baisse de 20 % en 2008). « Le chef de l'État a enfin pris conscience de la gravité qui frappe le monde agricole », se réjouit Guy Vasseur, le nouveau président des chambres d'agriculture. Pour rajouter : « Il est temps de donner un coup de frein au libéralisme débridé de la Commission européenne. » Car le chantier de la réforme de la PAC, pour la période 2013-2020, est désormais lancé. La Commission doit en effet soumettre ses propositions de texte législatif au Parlement européen - qui a désormais voix au chapitre depuis le traité de Lisbonne - d'ici à la fin de l'année. Et, comme le rappelle José Bové, la Commission souhaite toujours que « la part de l'agriculture dans le budget européen ne dépasse pas 30 % en 2013 contre 42 % aujourd'hui. « Le vrai rapport de force est là, entre la Commission et le Parlement », souligne-t-il.De son côté, Jean-Christophe Bureau, professeur et chercheur à AgroParisTech s'étonne à la fois de l'opportunité d'une telle offensive, en début de négociation, et des arguments avancés pour justifier une PAC musclée : « Défendre le principe de prix agricole élevés revient à accepter des coûts de production élevés et l'Europe se montre assez laxiste en matière de contraintes environnementales. » La négociation promet d'être rude et la France, selon Jean-Christophe Bureau, « devra accepter une très sensible diminution des subventions de la PAC. » nAnalyse Éric benhamou Éditorialiste à « La Tribune »Chaque semaine, « La Tribune » décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.
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