Efficacité et sécurité de l'arbitrage : Paris transforme l'essai

Il est rare que deux juridictions étrangères aient à se prononcer sur l'application d'un même droit à une même question, dans une même affaire et à seulement quatre mois d'intervalle. L'arbitrage vient de vivre cet événement hors du commun entre Londres et Paris alors même que les deux villes se livrent une concurrence feutrée pour le titre de place la plus favorable à l'arbitrage.L'enjeu du litige est l'exécution, au Royaume-Uni et en France, d'une sentence arbitrale rendue à l'encontre du gouvernement pakistanais. Alors qu'en novembre 2010, les juges britanniques la privèrent de tout effet, leurs homologues français viennent au contraire, par décision du 17 février, de lui permettre d'être appliquée en France. Cet arrêt met en lumière l'approche plus libérale et favorable à l'arbitrage des juges français.L'affaire oppose l'État du Pakistan à la société saoudienne Dallah, dans le cadre d'un projet de construction de logements pour les pèlerins pakistanais souhaitant se rendre à La Mecque. Le contrat, contenant une clause d'arbitrage, fut conclu entre Dallah et un trust créé pour l'occasion par l'État du Pakistan. Suite à un différend, Dallah initia une procédure d'arbitrage directement à l'encontre du gouvernement pakistanais, au terme de laquelle elle obtint une indemnisation à hauteur de 20 millions de dollars. Afin que la sentence puisse produire ses effets, Dallah saisit les juges britanniques et français.Le gouvernement du Pakistan contesta dans les deux cas la validité de la sentence au motif que, n'étant pas partie signataire au contrat d'arbitrage, il ne pouvait être jugé par un tribunal arbitral. Le droit français s'appliquait, tant devant le juge anglais que devant le juge français, car la sentence avait été rendue en France. À droit et faits identiques, les solutions n'en sont pas moins diamétralement opposées. Le 3 novembre 2010, la Cour suprême du Royaume-Uni a donné raison au gouvernement pakistanais et déclaré la sentence inopposable à ce dernier car il n'était pas signataire du contrat contenant la clause d'arbitrage. À l'inverse, le 17 février, la cour d'appel de Paris a confirmé la validité de la sentence contre le Pakistan au motif que le gouvernement avait participé à la négociation, la conclusion et l'exécution du contrat, et que la clause d'arbitrage pouvait donc lui être appliquée.Cette jurisprudence est une bonne nouvelle pour la place de Paris car elle confirme l'approche proarbitrage de la cour d'appel qui vise à assurer l'efficacité des conventions d'arbitrage conformément à l'intention réelle des parties. En favorisant l'exécution des sentences, elle renforce la sécurité des parties ayant recours à l'arbitrage.Cet arrêt s'inscrit dans la continuité des objectifs et des principes de la récente réforme du droit de l'arbitrage, réalisée par un décret moderne et innovant, publié le 14 janvier 2011. Ce texte accroît l'adéquation du droit français avec les attentes des acteurs économiques. Dans un contexte de compétitivité entre les places d'arbitrage, les améliorations juridiques apportées par ce décret témoignent de la réactivité de Paris.Le décret renforce la lisibilité et la souplesse du droit français de l'arbitrage. Il permet une lecture plus rapide et complète de l'état du droit de l'arbitrage en rassemblant dans un seul document les principes dégagés par les décisions jurisprudentielles majeures. Il offre également aux parties une plus grande diversité de choix procéduraux. La mesure la plus emblématique à ce titre est très certainement la possibilité, pour les parties, de convenir de renoncer à demander l'annulation de la sentence arbitrale devant le juge étatique. Une telle faculté contribue à la sécurité de la décision arbitrale et favorise son exécution rapide.Le décret améliorera l'efficacité du droit français de l'arbitrage en offrant aux agents économiques un mode de résolution des différends toujours plus moderne et fiable.Ce faisant, ce texte s'inscrit dans la lignée des décisions judiciaires françaises favorables à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales. En effet, dans le souci d'assurer l'efficacité des décisions arbitrales, la Cour de cassation avait précédemment décidé qu'une sentence arbitrale annulée à l'étranger pouvait continuer à produire des effets en France. En cela, la Cour reconnaissait que si les parties avaient entendu voir leur litige jugé par des arbitres, l'exécution de la sentence ne devait pas être tributaire de la décision d'un seul tribunal étatique. C'est cette même volonté de donner son plein effet au recours à l'arbitrage qui sous-tend la décision du 17 février 2011 de la cour d'appel de Paris.Le souci commun du législateur et du juge français d'oeuvrer pour la modernité et la sécurité de l'arbitrage, associé au maintien à Paris de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, permet à la capitale française de rester à l'avant-garde et l'une des toutes premières places d'arbitrage au monde.(*) Corédigé avec Paul Giraud, White & Case.
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