Le fisc américain inquiète la finance européenne

Banques et sociétés de gestion européennes deviendront-elles à compter du 1er janvier 2013 les agents du fisc américain (l'IRS) ? À cette date, les établissements européens, et plus largement les institutions financières étrangères (FFI), devront identifier chaque client américain pour permettre aux États-Unis de lutter contre l'évasion fiscale. À défaut, ils se retrouveront imposés à hauteur de 30 % de l'ensemble de leurs flux en provenance des États-Unis. Que ces fameux clients américains soient investis ou non sur des actifs américains. Faut-il alors faire une croix sur tous les investisseurs et clients américains ? « Une situation que nous voulons éviter », déclare James Broderick, de JP Morgan AM, qui a mené les négociations sur Fatca pour le compte de l'Efama, en tant que membre de son conseil d'administration.L'industrie se prépare et, avec l'appui des autorités politiques, espère encore obtenir quelques aménagements du texte de loi américain adopté le 18 mars 2010 sous le nom de Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) et dont le Trésor s'attache aujourd'hui à écrire les mesures d'application. Une nouvelle notice, détaillant les revenus concernés par la mesure, a été publiée mi-avril. Mais il reste encore beaucoup d'incertitudes sur les implications de ce texte américain aux conséquences extraterritoriales et qui obligera les intervenants à faire la démonstration que leurs clients ne sont pas américains. L'Alfi, l'association de la gestion au Luxembourg, tiendra d'ailleurs ce vendredi une conférence sur Fatca.Concrètement, cette loi, qui vient compléter un dispositif existant jugé moins contraignant et sans volet répressif, obligera les FFI à répertorier et déclarer les comptes « américains » en détaillant leurs avoirs. Si le client se refuse à autoriser un tel transfert d'informations, l'établissement devra prélever à la source une retenue de 30 %. Le récalcitrant de « long terme » risquant la fermeture pure et simple de son compte. Avec un certain nombre de difficultés à la clé comme la compatibilité de ces exigences avec le droit européen ou national et, bien entendu, la question du coût des développements informatiques nécessaires, que l'industrie aura du mal à faire supporter aux clients. « Une solution serait que l'industrie parvienne à mutualiser ses coûts », indique Sandrine Leclercq, directeur juridique groupe de Caceis.« Nous sommes en plein chiffrage, confie Jacques Ripoll, directeur du pôle Global Investment Management & Services de Société Généralecute; Générale. Cette nouvelle obligation va toucher énormément d'entités : que ce soit côté banque privée, banque universelle, ou métier titre. Tous les acteurs de l'industrie ne pourront pas suivre. » Et d'ajouter : « La démarche de l'administration américaine est louable ? lutter contre l'évasion fiscale ? mais nous avons besoin d'un travail de coordination international. »Lettre de l'Union européenneSensible, le sujet mobilise, depuis quelques mois, les directions de la législation fiscale dans de nombreux pays en Europe. À Bruxelles, le commissaire Algirdas Semata, en charge des questions de fiscalité et union douanière, a pris en main le dossier Fatca, avec l'accord des États membres. Et dans une lettre cosignée avec la présidence hongroise du conseil de l'Union, il a tenté ce mois-ci d'alerter Timothy Geithner, le secrétaire d'État au Trésor, et Douglas Shulman, le chef de l'administration fiscale, sur les effets négatifs que Fatca risquerait d'entraîner sur le secteur financier en Europe, appelant à un dialogue. Bruxelles espère « qu'il sera possible de trouver des solutions permettant de remplir les objectifs de Fatca sans créer une charge disproportionnée ».Reste une difficulté de taille. Cette fameuse loi a été adoptée le 18 mars 2010 parallèlement à un programme de soutien à l'emploi décidé dans le cadre de la crise (Hiring Incentive to Restore Employment Act) nécessitant des rentrées fiscales. De fait, la probabilité de parvenir à faire bouger les lignes semble bien mince.
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