Le déjeuner de Philippe Mabille avec William Koeberlé, le patron du groupe Marionnaud

Rendez-vous au Cristal Room, le restaurant de la maison Baccarat, place des États-Unis, à Paris, dans l'ancien hôtel particulier où Marie-Laure de Noailles (de la villa du même nom à Hyères) offra des fêtes magnifiques au Tout-Paris des arts et des lettres. Repris par la maison Baccarat, qui a donné carte blanche à Philippe Starck pour en exalter le caractère baroque, le lieu était bien choisi pour rencontrer un parfumeur. En face du restaurant trône le musée du cristal, qui rassemble dans une galerie ouverte au public les plus beaux trésors de l'univers Baccarat : candélabres géants, pièces de vaisselle et flacons de parfums évocateurs nous ramènent un instant dans la France des Années Folles, cette décennie magique qui précéda... la crise de 1929. La passion du clientLa crise, notre hôte du jour, William Koeberlé, nouveau CEO de Marionnaud Group depuis 2008, la connaît bien. Ce fils de militaire né en Allemagne il y a cinquante quatre ans, fasciné depuis son plus jeune âge par le monde des supermarchés, s'est forgé au fil du temps une image de redresseur d'entreprise. Pour faire ses armes, il a d'ailleurs exercé presque tous les métiers de la distribution. Contrôleur de gestion chez Cora, où il a débuté, commercial puis directeur de supermarché Mammouth en Alsace, avant de gravir tous les échelons chez Metro, Promodès et Carrefour. « Aujourd'hui encore, ce qui me passionne le plus, c'est le client, sourit William Koeberlé, qui avoue avoir passé souvent plusieurs heures incognito en magasin pour ?sentir?? le marché. « Voir le panier à la caisse permet de se poser les bonnes questions. Le problème, c'est que j'ai la tête de l'emploi ; assez souvent, on me prend pour le vendeur. Il m'est même arrivé de mener presque à son terme une vente pour un hypermarché concurrent. Il a fallu que j'envoie le client voir le vrai vendeur », s'amuse-t-il. C'est en 2005, peu après son OPA sur Marionnaud, qu'AS Watson lui confie la direction internationale de la chaîne de parfumerie fondée par Marcel Frydman, et qui a connu des hauts et des bas, affichant jusqu'à près de 90 millions d'euros de pertes en 2004. Nommé il y a deux ans à la direction générale de Marionnaud Group, il veille désormais aux destinées d'un réseau de 1.242 magasins, présent en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Suisse, en Autriche, mais aussi, sous d'autres enseignes, dans les pays baltes, l'Ukraine et la Russie. Victoire à BruxellesWilliam Koeberlé a une autre casquette, qui lui offre une actualité cette semaine. Il préside la Fédération française de la parfumerie sélective (FFPS), l'organisation professionnelle qui rassemble toutes les chaînes de distribution de produits de beauté, plus les grands magasins et des indépendants. Il a participé à la négociation du nouvel accord d'exemption dont bénéficie le secteur auprès de la Commission européenne. Un accord-cadre qui permet à la distribution sélective de demeurer le canal prioritaire de la vente de produits de beauté, de soins et de parfums, et l'adapte à la nouvelle donne de la vente sur Internet . C'est une victoire pour la parfumerie sélective, qui a obtenu que Bruxelles juge « non conforme » à la spécificité de ces produits la vente par les « pure players » Internet, arguant notamment des risques de contrefaçons et du récent jugement ayant donné raison à LVMH contre le site d'enchères en ligne eBay à propos des parfums Christian Dior. En France, on connaît bien l'enseigne Marionnaud, mais moins sa maison mère. Propriété du groupe Hutchison Wampoa, la holding du milliardaire chinois de Hongkong Li-Ka-Chin, le groupe AS Watson est l'un des leaders mondiaux de la distribution, avec plus de 8.800 magasins dans 34 pays, 87.000 salariés et plus de 25 millions de clients. Une force de frappe grâce à laquelle Marionnaud a réussi à maintenir sa place de numéro un en Europe. Bousculé par la concurrence de Sephora, Marionnaud France a complètement revu la « supply chain », la chaîne d'approvisionnement, nerf de la guerre, revu le concept de ses magasins et mis en oeuvre un plan social en 2009, qui l'a conduit à supprimer 587 postes, sans fermer pour autant un seul magasin. « Notre force, c'est d'avoir un réseau de proximité. Et, malgré la crise, on a ouvert de nouveaux magasins (il y en a désormais 571), rénové le parc existant et investi dans l'offre », souligne William Koeberlé. Le grand défi de 2010, ce sont les Instituts Marionnaud, désormais au nombre de 270, ce qui en fait le premier institut de beauté de France.Le nouveau consommateur« Avec la crise, le consommateur a changé. La demande des clients est encore plus exigeante. On n'achète pas que le produit. Avec, on veut le service, l'accueil, le conseil. On demande aussi des prix plus accessibles. On veut pouvoir se faire plaisir avec des produits moins chers et des offres promotionnelles des grandes marques. » Dans cet esprit, « Marionnaud a donc lancé des produits sous marque propre, la gamme Marionnaud, des produits bio, des accessoires, des produits de bain et, dans les jours qui viennent, une gamme de produits de soins ». William Koeberlé met aussi l'accent sur la formation avec la Marionnaud Academy pour offrir un service personnalisé aux clients. « Dans le parfum, comme dans la plupart des autres secteurs économiques, la crise a accéléré des évolutions qui avaient déjà commenc頻, reconnaît-il.Appartenir à un groupe international, « c'était l'une de mes ambitions », explique William Koeberlé, qui partage son temps entre Zurich, où il vit, Paris, et les capitales des pays où sont implantées les enseignes. « Le mode de fonctionnement, c'est la ?conf call??. » « Le groupe Hutchison n'est pas seulement chinois, mais mondial. Les magasins Watson, en Chine, sont dirigés par un Allemand. Le rachat de Marionnaud a sauvé l'enseigne. Un fonds d'investissement aurait sans aucun doute fermé des magasins. AS Watson a cru dans la marque et y a investi. » Reste maintenant à sortir de la crise économique. « On commence à sentir un frémissement. Dans certains pays de l'Est, c'est le cas. L'Espagne, avec ses 20 % de chômage, est dans une situation plus délicate. Des pays comme la Suisse ou l'Autriche n'ont pas vraiment connu la crise. » Mais c'est en France, bastion historique, que la bataille la plus délicate se joue. À cause de la concurrence avec Sephora, frontale, mais aussi parce que c'est le pays où le client est parmi les plus sensibles au prix : « Il y a une reprise, mais les clients contestent de plus en plus les prix de base. » « Les gens ne réagissent plus qu'à la promotion, au discount, le consommateur veut reprendre le pouvoir. Il faut donc faire un énorme travail de segmentation de la clientèle, magasin par magasin pour avoir un réglage très fin de l'offre, parmi nos 15.00 références. » Un effort dont il espère récolter les fruits pour la fête des mères de ce dimanche.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.