La stratégie allemande n'est pas digne de l'Europe

La Chine est parfaitement consciente que les excédents de sa balance commerciale et de sa balance des paiements sont générateurs de déséquilibres à l\'échelle planétaire. Voilà pourquoi elle tente - et, ce, depuis 2009 ! - de procéder à des réajustements visant à promouvoir sa consommation intérieure censée prendre au moins partiellement le relais de ses exportations dans la pérennisation de sa croissance.Ces tentatives et mesures sont entreprises depuis près d\'une décennie, quoiqu\'à un rythme inconstant du fait des incertitudes et de la volatilité macro économiques induites par la crise. Il n\'en demeure pas moins que c\'est la Chine qui, unes des premières, avait annoncé en 2009 un stimulus massif - représentant pas moins de 10% de son P.I.B. ! -  visant à soutenir son économie menacée au summum de la crise, soit en 2009. Cette nation n\'a certes pu résister à certaines tentations protectionnistes, comme d\'autres du reste. De même, ses investissements intérieurs n\'ont-ils pas toujours été judicieux, productifs ou rationnels. Le processus de ré-équilibrage n\'en est pas moins entamé, la Chine ayant résolument emprunté la voie complexe consistant à promouvoir sa consommation intérieure grâce au levier de la majoration des revenus de son immense masse salariale.Prospérité intérieureEn cela, la Chine se montre donc à la mesure de son rôle prépondérant dans une économie globale qu\'elle sait inter-dépendante. Ses dirigeants successifs sont ainsi pleinement conscients que le passage d\'une économie émergente ou en voie de développement au stade d\'une économie intégrée et développée ne peut se réaliser sainement que par la diminution de sa dépendance aux exportations. Une économie dynamique appartenant à un pays respectable ne saurait effectivement dépendre ad vitam aeternam de la croissance du reste du monde.Autrement dit, il est du devoir des nations importantes de ce monde - d\'abord pour leurs propres citoyens - de moins greffer leur prospérité sur celles des autres. Les responsables politiques chinois semblent même vouloir aujourd\'hui emprunter la voie suprême, à savoir encourager leurs citoyens à dépenser une partie de leur épargne séculaire en diminuant les incertitudes, c\'est-à-dire en améliorant nettement les couvertures sociales et de santé. Le leadership chinois a donc bien intégré cette hyper fragilité macro-économique mondiale en grande partie provoquée par les déséquilibres inhérents aux grandes nations. Autrement dit, qu\'il est crucial pour la Chine et pour ses partenaires d\'établir une certaine harmonie entre consommation domestique et commerce extérieur.La Chine et l\'Allemagne à contre-courant l\'une de l\'autreQuel contraste saisissant avec l\'exemplaire Allemagne qui n\'a de cesse de se faire l\'ardent et farouche défenseur de la rectitude fiscale et budgétaire et qui fait montre d\'un authentique délire obsessionnel pour améliorer la compétitivité. Le tout dans le seul et unique objectif de relancer les économies européennes grâce aux exportations. Elle qui peine tant à consentir des augmentations de salaire à sa masse salariale. Elle qui refuse d\'admettre que l\'austérité et que le tout-à-l\'exportation ne sauraient fonctionner à l\'échelle du continent européen. Elle fait en effet pâle figure comparée à la Chine qui a procédé à des augmentations de 17% de ses salaires en 2012 ! Restreindre la consommation de ses sujets pour concentrer toutes ses forces vitales à l\'exportation d\'un côté ou accepter d\'intégrer le jeu global consistant à encourager progressivement sa demande intérieure ? La Chine et l\'Allemagne ont manifestement choisi.Pendant que l\'une entraîne l\'Europe dans une spirale déflationniste, qu\'elle accuse les pays du Sud d\'avoir échoué, faute d\'avoir instauré suffisamment d\'austérité, qu\'elle force l\'ensemble des peuples européens à se prosterner devant l\'autel des réformes structurelles supposées nous mener directement au paradis de la compétitivité,  tout en précarisant à l\'extrême ses propres travailleurs dont le tiers est réduit à l\'état de mendiants sociaux - et dans un contexte où elle récuse avec effroi la damnation des politiques expansionnistes qui permettraient une relance de sa consommation intérieure-,  la Chine, pour sa part, réduit insensiblement sa dépendance à la demande extérieure, encourage sa consommation et lance des programmes sociaux.Pour avoir fait le choix de se prescrire aux injonctions allemandes, l\'Europe - cette « première économie mondiale » - se résigne donc aujourd\'hui à parasiter l\'activité économique globale en acceptant de dépendre pleinement des capitaux extérieurs. L\'Europe est-elle seulement consciente que, ce faisant, elle accepte d\'être infectée par le syndrome allemand du « petit pays », voire du pays émergent, qui se contente de vivre au crochet des autres grâce au levier des exportations ? Est-ce donc là toute l\'ambition de l\'Union européenne ? *Michel Santi est un économiste franco-suisse qui conseille des banques centrales de pays émergents. Il est membre du World Economic Forum, de l\'IFRI et est membre fondateur de l\'O.N.G. « Finance Watch ». Il est aussi l\'auteur de l\'ouvrage \"Splendeurs et misères du libéralisme\"
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