L'éditorial de Valérie Segond

Parmi les pistes avancées par le Conseil d'analyse économique pour mieux valoriser la recherche en France figure l'idée de développer les marchés de brevets. Avec, à la clé, tous les mécanismes de la finance?: brokers et analystes, plates-formes électroniques, fonds d'investissement, mais aussi mises aux enchères et, bien sûr, produits dérivés?! L'idée n'est pas nouvelle, les premières ventes aux enchères de brevets ayant eu lieu aux États-Unis en 2003, puis à Munich en 2007. D'ailleurs, leurs cessions sont devenues depuis 1983 une source de revenus non négligeable, se développant au rythme des dépôts eux-mêmes, comme si les inventeurs déposaient les brevets pour les vendre ou pour en concéder la licence. Mais quelle serait l'utilité sociale d'une telle financiarisation de la recherche?? Certes, les ventes peuvent favoriser l'exploitation optimale des innovations, seules ou « en grappe ». Elles offrent ainsi aux PME plus de débouchés, voire plus de visibilité pour se revendre. Seulement, on connaît aujourd'hui les ravages d'une financiarisation à outrance. D'abord, le brevet étant un « droit négatif » qui exclut l'exploitation par des tiers, le rachat de brevets au prix fort est devenu une tactique prédatrice prisée par les acteurs puissants pour tuer la concurrence. Ensuite, en l'absence de méthode consensuelle de valorisation des brevets, leur financiarisation favorisera la formation de bulles, et ce d'autant que les intermédiaires ont intérêt au développement du marché, fût-il spéculatif. Enfin et surtout, dans la guerre économique, la propriété des brevets est devenue trop stratégique pour la laisser au seul jeu de la surenchère. Quand on connaît la passion des Chinois pour nos brevets, et l'immensité de leurs réserves, et alors qu'il ne nous reste que notre intelligence, on se dit qu'il faut se méfier des fausses bonnes idées. Comme celle de la circulation des connaissances dans un monde totalement ouvert au mépris des droits de propriété, qui en a enrichi quelques-uns et appauvri beaucoup d'autres. [email protected]
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