Procès Apple/Samsung : le président du jury s'explique et répond aux attaques

Trop pro-Apple et pro-américain, le jury populaire qui a lourdement condamné Samsung pour avoir copié son rival californien ? Les critiques ont rapidement fusé contre les neuf jurés qui ont conclu, de façon unanime, à ce verdict choc. Le président du jury, un ingénieur à la retraite, Velvin Hogan, s'est chargé du « service après-vente » auprès des médias pour expliquer en détail les délibérations, le travail méticuleux et méthodique des jurés, et justifier la sanction. Interviewé par plusieurs journaux, dont le « San Jose Mercury News », l'homme de 67 ans, qui a derrière lui 35 ans de carrière dans les disques durs et un brevet à son nom, a aussi accordé un long entretien à Bloomberg TV dans lequel il défend point par point les conclusions du jury (regarder l'interview en anglais).« Moi je suis PC et personne ne possède d'iPhone dans le jury »Pour ce qui est du biais pro-Apple, alors que le tribunal de San Jose, en Californie, se situe à 15 kilomètres du siège de Cupertino de la firme à la pomme, Velvin Hogan a rappelé que « personne ne possédait d'iPhone dans le jury », composé de sept hommes et deux femmes, dont outre le président, un ancien technicien aéronautique de la Navy, un gérant de magasin de cycles, une femme au foyer, un jeune de 24 ans sans emploi, un agent d'assurance, un gestionnaire de paie, un ouvrier du BTP, un chargé de projet chez l'opérateur AT&T.... « Moi je suis PC, je n'ai aucun appareil de chez Apple. Ma femme a un Samsung, mais ce n'est pas un smartphone » a-t-il objecté. Mémos et emails internes : des preuves « accablantes » Quant au biais pro-américain, Velvin Hogan balaie la critique de la main : « Pas du tout. Les preuves parlaient d'elles mêmes de manière accablante. Samsung devait savoir ou savait qu'il enfreignait les brevets d'Apple. » Le jury s'est « concentré sur les preuves » et a fondé sa décision sur les emails et mémos internes, et en premier lieu « sur le procès verbal de la réunion en Corée avec des dirigeants de Google, sur les tablettes, où ces derniers demandaient que Samsung modifie ses produits pour qu'ils ressemblent moins à ceux d'Apple. » Autre document jugé clé, le compte-rendu par email d'une réunion interne où un dirigeant de Samsung compare ses produits à ceux d'Apple en termes d'expérience utilisateur, « c'est vraiment le jour et la nuit» et parle de « faire quelque chose comme l'iPhone. » Or pour le président du jury, Samsung « est allé trop loin » en voulant imiter son concurrent. Citant Nokia, BlackBerry et même Motorola, qui utilise comme Samsung le système d'exploitation Android, il observe « pas besoin d'être 100% pareil » pour rivaliser avec Apple. « Envoyer un message à l'ensemble du secteur »Quant à la sévérité de la sanction et l'ampleur des dommages demandés, Velvin Hogan, explique « nous voulions envoyer un message qui ne soit pas seulement une tape sur les doigts, que ce soit suffisamment élevé pour être douloureux mais pas déraisonnable » a-t-il déclaré à l'agence Reuters. « Dans ce pays, la propriété intellectuelle mérite d'être protégée. Si une entreprise ignore les règles, franchit la ligne rouge délibérément il faut comprendre que c'est un risque à payer ensuite » plaide-t-il. Or les dommages servent à dédommager et non à punir. Le président du jury fait valoir que c'était « un message à l'ensemble du secteur, et pas seulement à Samsung : enfreindre des brevets n'est pas la chose à faire et comporte des risques. » Dans une interview au "San Jose Mercury News", il estime d'ailleurs que le constructeur sud-coréen « avait le temps d'opérer les changements nécessaires pour éviter les problèmes juridiques mais il a pris un risque calculé. » Un président du jury (trop) connaisseur des brevets ? Cet ingénieur, qui a déposé un brevet à son nom sur l'enregistrement et le stockage de vidéo (voir le détail du brevet n° 7352953), a semble-t-il pesé dans la balance au cours des délibérations : un autre juré, Manuel Llagan, a expliqué à CNet que l'expérience de Hogan dans les brevets a permis d'éclairer les débats animés sur la technologie de « bounce back », qui fait « rebondir » une page que l'on fait défiler, et celle du « pinch-to-zoom », qui consiste à zoomer en écartant deux doigts sur une page ou une photo. Arrivés dans une impasse sur ces sujets, les jurés sont en fait passés à autre chose, à des questions plus faciles, avant de revenir aux questions épineuses qui devenaient alors plus simples à résoudre. Velvin Hogan explique qu'il a eu la révélation en se demandant le premier soir des délibérations « si c'était mon brevet, pourrais-je le défendre ? » En répondant oui, le président du jury a changé sa perception du dossier et visiblement convaincu les autres jurés plus hésitants. Certains supporters de Samsung et le site juridique Groklaw estiment d'ailleurs qu'il était trop partial. Pourtant les avocats du sud-coréen ne l'ont pas révoqué. Le président du jury a-t-il outrepassé son rôle et influencé le verdict de par sa propre expérience ? C'est la Cour d'appel, saisie par Samsung, qui examinera entre autres ces accusations.
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