Baisse des prix des carburants : ce que Moscovici n'a pas dit

La seule chose claire dans ce dossier, c\'est le message du ministre. Derrière, toutes les modalités restent très floues, voire en trompe l\'oeil. « Une baisse allant jusqu\'à 6 centimes, partagée entre l\'Etat et les distributeurs, d\'une durée de trois mois, mise en place d\'ici 24 heures » : l\'annonce de Pierre Moscovi ce mardi midi à Bercy était simple. Trop simple ?D\'abord la date de mise en œuvre. « Il est impossible d\'appliquer ces changements demain, le plus tôt serait après demain. En fait, nous nous engageons sur le 1er septembre, au plus tard », affirme un pétrolier. Les distributeurs veulent s\'aligner sur l\'application de la baisse des taxes par l\'Etat, sans savoir sous quel délai elle va avoir lieu. Total a finalement précisé mardi en fin de journée qu\'il allait appliquer cette mesure dès mercredi. A vérifier.Même baisse pour le diesel et l\'essence ?Outre le délai, Bercy n\'a pas précisé non plus les modalités de cette baisse des taxes. Sera-t-elle du même niveau (3 centimes) pour le gasoil et l\'essence ? Le gasoil, qui représente 80% des ventes de carburants, est taxé actuellement à hauteur de 47% tandis que les prélèvements pèsent 55% du prix du SP 95. On peut se demander si la baisse sera la même en valeur absolue sur les différents carburants.L\'Etat verra son \"effort\" compenséCe ne sera pas non plus un véritable « effort » de l\'Etat. Si l\'Etat diminue uniquement la taxe fixe (TICPE) - ce qui reste le scenario le plus probable, en cas de poursuite de l\'envolée du brut, l\'Etat va continuer à encaisser des recettes supplémentaires provenant de la « TVA sur le produit ». C\'est-à-dire 19,6% de chaque centime d\'augmentation du carburant hors taxes. Dans cette hypothèse de poursuite de la hausse du brut, le coût de la mesure sera donc inférieur aux 300 millions d\'euros annoncés par Pierre Moscovi. Cette somme doit de toute façon être « compensée par un redéploiement budgétaire», a précisé le ministre.Une  baisse le plus souvent inférieure à 6 centimesLa baisse de 6 centimes sera, finalement, rare. La plupart des distributeurs se sont en effet engagés à moins. 2 centimes pour Total qui compte 2.000 stations-service (3 centimes sur les autoroutes, où les prix sont largement supérieurs de toute façon), « 1 à 3 centimes » pour Leclerc et Système U, sans autre précision, et en ne s\'engageant que pour septembre. Quant aux stations détenues par des indépendants, elles ne baisseront certainement pas leurs prix, ou très peu. \"Si nos fournisseurs nous appliquent des baisses nous les appliqueront, pour le reste, sur nos propres marges, il est hors de question qu\'on les baisse car elles sont déjà très faibles\", a prévenu Christian Roux, président de la Branche nationale des propriétaires-exploitants de stations-service au sein du Conseil national des professions automobiles.En fait, faute de pouvoir imposer une baisse aux distributeurs, Bercy compte sur le jeu du marché et de la concurrence. Très sensible aux prix pratiqués dans leur zone de chalandise, les distributeurs s\'aligneront sur leurs concurrents, si leurs ventes fléchissent. C\'est la position implicite d\'Esso. « Ne regardons pas les écarts mais les prix », lance un porte-parole de l\'enseigne qui refuse de donner une fourchette de baisse prévue. « Nous sommes précurseurs depuis 1999 sur les prix bas avec nos stations automatiques Esso Express. Nous allons continuer à proposer les prix parmi les moins chers du marché ». ajoute-t-il. C\'est aussi ce qu\'affirme Shell pour ses 80 stations service d\'autoroutes, sans autre précision.Un coût inférieur pour Total qui renonce d\'abord à ses bénéficesQuel effort pour les distributeurs ? Ils clament ne gagner que 1 centime par litre mais s\'engagent à baisser les prix de 2 à 3 centimes. Comment ? En vendant à perte ? La grande distribution vend le plus souvent le carburant sans prendre de marge nette, le considérant comme un produit d\'appel pour ses grandes surfaces. Elle va, avec cette mesure, perdre de l\'argent. Mais ce n\'est pas pour autant de la vente à perte, illégale. « Nous allons vendre à prix coûtant c\'est-à-dire sans couvrir nos charges de salaires et de structures. C\'est effectivement une perte pour nous mais pas ce qu\'on appelle juridiquement une vente à perte car nous ne vendrons pas en dessous de notre prix d\'achat», explique un représentant d\'une enseigne. Leclerc a chiffré à 20 millions d\'euros le coût de cette mesure sur un mois pour son réseau. Les compagnies pétrolières, comme Total, ont des charges d\'exploitation souvent plus importantes que la grande distribution et empochent, elles, bel et bien 1 à 1,5 centime net par litre. Elles vont, avec cette mesure, perdre de 1 à 0,5 centime par litre. « En fait, 0,33 centimes par litre après le mécanisme de compensation des impôts », affirme un expert. Pour une enseigne comme Total, qui revendique une part de marché de 16%, la perte sera comprise entre 5 et 10 millions d\'euros pour trois mois.  
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