La violence intime d'un « Homme qui crie »

Alors que les discours « afro-optimistes » déferlent sur le jubilé des indépendances, « Un homme qui crie » nous dévoile une réalité devenue presque clandestine. Un père, évincé de son job de maître-nageur par son propre fils Abdel, le livre à l'armée comme un tribut au pouvoir en place. Rongé par le remords, Adam brave la guerre civile pour délivrer - retrouver - son fils. « Un homme qui crie » nous plonge donc dans une violence intime. Entendre l'homme crier, c'est accepter de se soumettre au silence imposé par le réalisateur Mahamat-Saleh Haroun. De longs plans, des dialogues parcimonieux et anodins, le cinéaste parle de son pays essoufflé, épuisé. L'intériorité, le mutisme presque agaçant du héros, le rôle des femmes, entre pleurs et silence, l'anonymat familial des bourreaux, tout est suggéré. Le réalisateur pose avec ce film une nouvelle pierre à son oeuvre impressionniste autour de son thème favori, la relation entre un père et un fils. Il poursuit du même coup son tour du monde des prix du jury des grands festivals : à Venise pour « Daratt » en 2006, à Cannes pour « Un homme qui crie » en 2010. Récompenses prestigieuses ou pas, ils ne seront vus que par une poignée de cinéphiles. Dommage. Par petites touches, le presque unique représentant du cinéma africain nous entraîne dans l'intimité de son Afrique, toujours merveilleusement servi par son acteur fétiche, Youssouf Djaoro, récemment récompensé au Festival du film francophone d'Angoulême.E. B.
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