L'identité nationale, outil rouillé

La politique, c'est un métier, et c'est d'abord un calendrier. Comme il reste cinq mois d'ici les régionales, on s'attendait à voir tout le fourbi préélectoral ressortir de la remise. Cela n'a pas raté. Dimanche, voilà Éric Besson qui annonce qu'il va lancer, début novembre, un grand débat pour « réaffirmer les valeurs de l'identité nationale et la fierté d'être français ». Mardi, Nicolas Sarkozy embraye. Au terme d'un long discours parfaitement technocratique sur l'agriculture, il plaque une conclusion sur la terre qui fait partie de l'identité nationale et nos grands-parents paysans qui ont fait la France. C'est kitsch, ça tombe comme un crin sur la soupe au chou, mais peu importe. À l'évidence, le passage est destiné à être repris sur les agences, les radios et les télés. De fait, il l'est. Les réflexes pavloviens fonctionnent comme en laboratoire. La terre ? Mais c'est du Pétain, ça ! Et la gauche de s'indigner. Et le Front national de grogner qu'on lui pique ses thèmes. Et les talk-shows de s'emballer. Bien sûr, tous ont vu le piège et l'ont dénoncé haut et fort, mais tous ont plongé dedans. L'opération élyséenne est réussie. Le président de la République, cet urbain postmoderne associé lors de la séquence médiatique précédente aux tours de La Défense et aux passe-droits des puissants, nous revient en petit-fils du Maréchal. Si ce sont ses ennemis qui le disent ! La gauche, elle, apparaît comme indifférente à l'idée de nation, dont on sait qu'elle rassure et cimente en particulier les classes populaires. Celles qui regardent le journal télévisé et qui n'auront retenu qu'une formule et une opposition binaire : le président aime la nation, l'opposition ne l'aime pas. Tel est, en tout cas, le raisonnement qui sous-tend ce montage politique assez grossier. Sauf qu'à force de compter sur les mêmes mécanismes, on commet des erreurs. Le pays ne se sent pas en campagne électorale. Les gens s'inquiètent pour leur emploi et l'avenir de leurs enfants : à se voir resservir de l'identité nationale réchauffée, ils vont trouver qu'on se paie leur tête. Enfin, la France change. Chaque année, un demi-million de personnes meurent, celles qui ont connu Pétain. Chaque année, 800.000 naissent, et se ficheront de l'an 40. Comme d'ailleurs tous les moins de 50 ans, y compris dans les campagnes. Dans les fermes, les vieux outils sont dans les remises, et personne n'y touche plus. Il serait temps qu'au Château, on apprenne à faire de même. [email protected] Gherard
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