Le Brésil, nouvel exemple pour le monde en développement

Le président Luiz Inácio Lula da Silva avait l'habitude de débuter ses discours par une phrase fétiche : « Pour la première fois de l'histoire du Brésil... » - au point de s'attirer les quolibets. Pourtant, il avait raison, quand il disait, par exemple : « Pour la première fois de l'histoire du pays, 31 millions de Brésiliens ont rejoint la classe moyenne et 20 millions ont laissé derrière eux une situation de pauvreté absolue. Pour la première fois, le pays est gouverné au profit de toutes les classes sociales, et pas uniquement pour les élites. Dans le même temps, notre économie et notre démocratie se sont raffermies. Les Brésiliens ont gagné une nouvelle confiance en eux et font entendre leur voix. »Depuis 2002 et sa première élection - qui, déjà, avait fait l'histoire, puisque c'était la première fois qu'un ancien ouvrier métallo, leader du Parti des travailleurs (PT), l'emportait -, Lula a réussi à hisser une puissance régionale en devenir au rang de pays clé de la mondialisation, faisant ainsi de nouveau l'histoire. Le syndicaliste que Wall Street craignait a réussi un cocktail digne de la « caipirinha », mélange de discipline budgétaire et de transferts sociaux. Mieux, alors que de Gaulle se plaisait à dire que le Brésil resterait « le pays du futur », voici qu'il s'est mué en symbole de l'avenir de la planète tout entière, et sans doute plus que la Chine ou l'Inde.C'est vrai en ce qui concerne le pétrole, qui sous-tend encore tout développement économique mondial et dont le Brésil est désormais exportateur, en explorant plus qu'aucun autre pays d'immenses gisements en eaux ultra-profondes. C'est vrai également pour l'agriculture, le Brésil étant devenu l'un des plus grands exploitants et exportateurs, nourrissant le monde. Le Brésil se doit aussi d'être un partenaire clé dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est sur son territoire, équivalant à quinze fois la France, que se situe une grande partie de l'Amazonie, poumon de la planète. Mais c'est aussi cette forêt qu'il détruit à grands coups de bulldozer pour planter du soja ou permettre encore aux plus démunis de trouver une échappatoire à la pauvreté.Enfin, et surtout, le Brésil, huitième puissance économique mondiale, offre un modèle de développement à tous les autres émergents, associant avancées économiques et sociales et ancrage démocratique - alors que certains, comme l'Inde, ont encore tendance à négliger la politique redistributive, tandis que la Chine oublie toujours la démocratie.En effet, alors qu'une croissance forte induit souvent, au début en tout cas, une augmentation des inégalités, le Brésil a réussi, grâce à une politique sociale innovante, à briser cette malédiction. Mieux, Lula a réussi à faire accepter à la classe la mieux lotie et traditionnellement réfractaire, particulièrement en Amérique latine, au partage de la richesse, sa politique de redistribution et de démocratie participative. Enfin, le Brésil est parvenu à « pacifier » son modèle, qui connaissait auparavant des épisodes de croissance, certes, mais également des crises à répétition, notamment des périodes d'hyperinflation.Aujourd'hui, l'indice Gini des inégalités se situe à 0,54 contre plus de 0,6 pour l'Afrique du Sud (et 0,33 en France). En termes de PIB par tête, le Brésil se situe au 101e rang mondial (135e pour la Chine). Pas étonnant qu'aux yeux de nombreux pays africains, notamment, le Brésil soit devenu l'exemple à suivre. Mieux, le pays existe diplomatiquement. Désormais, il n'est pas d'enceinte internationale où les Brésiliens ne font « entendre leur voix », comme le disait Lula, de la Banque mondiale à l'ONU en passant par le G20 et les chancelleries occidentales.Mais il faut aujourd'hui penser l'après-Lula. Malgré un bilan flatteur, la corruption a aussi touché le PT au pouvoir. En dépit des avancées économiques, un quart de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté et la violence sévit dans les favelas. De même, si l'industrie s'est elle aussi développée, il reste encore à la diversifier et à la renforcer. Il faut donc désormais relever un nouveau défi et maîtriser le développement du pays - de l'agriculture comme de l'industrie pétrolière. Le Brésil ne reviendra pas en arrière. L'après-Lula commence maintenant. Reste à savoir si le prochain président, ou présidente, aura la même habileté que l'ancien métallo pour mener à bien les réformes encore nécessaires, et transformera définitivement le Brésil en « pays du présent ».
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