Les chiffres secrets d'Amazon au Royaume-Uni

Est-ce une bourde ou un coup bas? Une chose est sûre, le parlement britannique a fait une mauvaise blague à Amazon. Il a publié sur son site des éléments (ici et là) communiqués par Andrew Cecil, directeur des relations publiques européennes du site d’e-commerce, demandées par une commission parlementaire à l’issue d’une audition publique qui s’était avérée particulièrement musclée. Amazon, mais aussi Google et Starbucks avaient dû -sans convaincre- justifier les pratiques «d’optimisation» fiscale auxquelles ils ont recours et qui leur permet d’échapper au Royaume-Uni –mais aussi partout en Europe et notamment en France– à l’impôt sur les sociétés, et en partie à la TVA.\"Nous vous demandons de lui réserver un traitement confidentiel\"C’est suite à cette séance, où ces pratiques ont été qualifiées «d’immorales», qu’Andrew Cecil a envoyé deux notes détaillées sur les montages des sociétés entre le Royaume-Uni, le Luxembourg, qui constitue le cœur névralgique d’Amazon en Europe, et les Etats-Unis. Ainsi qu\'en complément, le chiffre d’affaires réalisé en Grande-Bretagne. Avec une demande expresse: «Compte tenu du caractère non public de cette information, nous vous demandons de lui réserver un traitement confidentiel».Une croissance de 56% en deux ansPremier enseignement des notes publiées par des parlementaires, la petite entreprise de Seattle ne connaît pas la crise. Ainsi, le site d’e-commerce a réalisé au Royaume-Uni un chiffre d’affaires de 2,91 milliards de livres en 2011 (3,6 milliards d’euros), en hausse de 23% sur un an, soit une progression totale de 56% depuis 2009. La société a payé 416 millions de livres de TVA, soit moins de 15% du chiffre d’affaires, un niveau inférieur au taux normal du Royaume-Uni qui est de 20%. Autre branche qui rapporte, la vente ou la location de produits dématérialisés (MP3, livres numériques), qui a grossi avec le lancement de LoveFilm, la plateforme de location de films en ligne, dont l’arrivée en France –crainte par Canal Plus– est programmée pour mars 2013. De cette activité, Amazon a généré 441 millions de livres de recettes en 2011.Pas d\'impôt sur les sociétésSi Amazon s’acquitte quand même de la TVA, il ne paye –comme en France– quasiment pas d’impôts sur les sociétés -seulement 1,8 million de livres en 2011. Il faut dire qu’au Royaume-Uni, la société ne déclare que 207 millions de livres de recettes, et quasiment pas de bénéfices. Comme en France, Amazon UK n’est officiellement qu’une entité opérationnelle au service de la maison-mère, basée au Luxembourg et à laquelle elle facture des prestations. «Amazon.co.uk Ltd n’est pas une branche ou un centre d’affaires», précise Andrew Cecil dans sa note. «Nos résultats réalisés sur notre activité britannique, qui s’est élevée à 3,351 milliards de livres au Royaume Uni, ont atteint 74 millions de livres. Les coûts associés à ses ventes atteignent 2,69 milliards de livres, les dépenses opérationnelles 417 millions de livres, les échanges inter-entreprises liés au droit de propriété intellectuelle dont la licence est accordée par l’entité Amazon Europe Holding Technologies SCS [basée au Luxembourg] 151 millions», détaille entre autres le document. Combien aurait dû payer Amazon? Par rapport à des sociétés comme Google ou Apple ayant des processus de défiscalisation similaires, le distributeur est beaucoup moins rentable. En 2011, il a généré un chiffre d’affaires de 9,8 milliards de dollars et un résultat avant impôt de 307 millions de dollars.Les droits de propriété intellectuelle défiscalisés au LuxembourgC’est en 2006 qu’Amazon a décidé d’établir son siège européen au Luxembourg. Amazon EU Sarl consolide l’ensemble des activités réalisées en Europe (France, Allemagne, Royaume-Uni…), y compris les activités dématérialisées (logées dans la filiale Amazon Media EU Sarl, également basée au Luxembourg) et de place de marché (Amazon Services Europe Sarl). Amazon EU Sarl est détenue par une autre entité -Amazon Holding Technologies SCS– également établie au Luxembourg. C’est cette société qui fixe –et encaisse- les droits de propriété intellectuelle d’utilisation de la technologie Amazon par ces filiales. Et en général, les sociétés gonflent le plus possible la facture de l\'immatériel dans la mesure où ces gains sont défiscalisables. De fait, comme aux Bermudes où Google transfère les revenus liés à l\'utilisation de son moteur, le Grand Duché a lui aussi créé un très intéressant régime de défiscalisation sur les droits de propriété intellectuelle.
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