Porto Alegre en pleine crise d'identité

La lune de miel entre Barack Obama et les mouvements antimondialistes n'a pas duré. L'année dernière, à Belém, dans l'Amazonie brésilienne, les participants au Forum social mondial (FSM) s'arrachaient les tee-shirts à son effigie. Cette semaine, à Porto Alegre, l'un des 26 sièges d'un Forum qui, un an sur deux, est décentralisé, le président américain est la cible des critiques. La déception est sans doute le sentiment le mieux partagé par les 15.000 militants réunis dans la capitale du Sud brésilien. Car, pour le reste, ils sont déchirés par un débat de fond : le Forum doit-il devenir un instrument de mobilisation des masses pour la lutte contre le néolibéralisme ? « Un autre monde est possible »En surgissant en 2001 à Porto Alegre, le FSM parvenait pour la première fois à catalyser le ras-le-bol de la société civile face aux « grands décideurs » de la planète, traditionnellement réunis à Davos, pour le Forum économique mondial. Les mobilisations à Seattle contre la réunion de l'Organisation mondiale du commerce, puis à Washington et à Prague contre le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, avaient donné le ton, Porto Alegre en a fait un slogan : « Un autre monde est possible. » En Amérique latine, la phrase a rapidement pris une tonalité plus sensible encore avec le basculement progressif de la majorité des gouvernements à gauche. Le Venezuela en 1998, puis le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, la Bolivie, l'Equateur et plus récemment le Nicaragua et le Salvador. Mais aujourd'hui, il ne s'agit plus de débattre, argumente Joao Pedro Stédile, principale figure du Mouvement des sans-terre (MST) : « Le forum doit se concentrer sur l'organisation de projets de développement avec de l'argent public, pour résoudre les problèmes de logement, d'emploi et la réforme agraire. » En ce sens, estime-t-il, la coopération entre mouvements sociaux et gouvernements progressistes est nécessaire, et pourrait se faire sous la responsabilité du FSM. Pour Joao Antônio Felício, chargée des relations internationales à la CUT, le premier syndicat brésilien, il y a urgence de passer de la « réflexion à l'action », face à un camp conservateur en pleine réorganisation. Il prend pour exemple la « terrible défaite au Chili », où le millionnaire Sebastian Pinera s'est imposé lors de la dernière élection, ramenant la droite au pouvoir pour la première fois depuis le départ du dictateur Augusto Pinochet. Lula absent à Bahia« Le forum est un processus : ni un parti politique, ni une ONG », récuse l'entrepreneur Oded Grajew, l'un des fondateurs de la manifestation. Pour lui, « l'événement permet de rapprocher les mouvements sociaux, et ainsi, de les renforcer, et influe de la sorte sur les politiques publiques, mais de façon indirecte ». La tension entre les deux camps devrait monter d'un cran ce week-end, avec le transfert du FSM à Salvador de Bahia et le discours attendu du président vénézuélien Hugo Chavez. Fervent avocat de l'alliance entre gouvernements et mouvements sociaux, le leader de la révolution bolivarienne devrait intervenir alors que son pays peine à sortir de la crise économique, souffre de coupures d'eau et d'électricité et de questionnements sur la liberté d'expression. Lula devait être à ses côtés, mais, victime d'une crise d'hypertension, il a annulé sa présence à Bahia, comme à Davos.
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