Les cimentiers confrontés à une nouvelle concurrence

Depuis plusieurs années, les importations de ciment dans l'Hexagone, un matériau que les cimentiers présentent pourtant comme difficilement transportable, ne cessent de croître : elles ont atteint 3,6 millions de tonnes en 2008, contre 2,6 millions en 2005, et pèsent 14 % du ciment consommé en France. Parallèlement, les importations de clinker, un mélange de calcaire et d'argile chauffé à 1.450 °C et qui est la matière de base du ciment, montent aussi en puissance (574 millions de tonnes en 2008, contre 246 millions). à la différence du ciment, le clinker se transporte aisément et il suffit de le sécher et le broyer pour produire du ciment.Comme l'a révélé « L'Usine nouvelle », de petits acteurs s'engouffrent dans la brèche. Ainsi, Jean-Marc Domange, l'ancien président du Syndicat français de l'industrie cimentière, veut investir 45 millions d'euros pour ouvrir, fin 2011, une station de broyage de clinker à Saint-Nazaire d'une capacité de production 600.000 tonnes de ciment par an. « L'augmentation des importations de clinker, qui est un produit semi-fini, est inéluctable, estime-t-il. La production de ciment en France comme les carrières de matières premières qui génèrent beaucoup de nuisances seront de moins en moins acceptées. » « capacité de nuisance »« Ces indépendants ne représentent pas une réelle menace, rétorque un expert. Vu leurs faibles capacités de production, le risque de guerre des prix est limité. Ils ont surtout une capacité de nuisance et cherchent en fait à se faire racheter. En outre, les producteurs étrangers qui les fournissent savent que s'ils usent trop de ce filon sur le marché français, ils s'exposent à des mesures de rétorsion des grands cimentiers dans leurs pays. » Mais il y a un autre enjeu. La fabrication de clinker est très émettrice de CO2. Or les producteurs non européens ne sont pas soumis à des quotas d'émission comme leurs homologues en France, un chiffon rouge que ces derniers ne manquent pas d'agiter. « Les importations de clinker risquent d'entraîner une distorsion de concurrence, prévient Rachid Benyakhlef, directeur général de Lafarge Ciments. Aujourd'hui, le ciment issu de clinker importé reste plus coûteux que le ciment produit en France. Si, à long terme, les quotas gratuits de CO2 disparaissent ou deviennent payants au taux plein, l'équation économique risque de s'inverser. » Il insiste sur le fait que « Lafarge s'adaptera aux nouveaux entrants, en optimisant son dispositif industriel », et assure qu'il veut « rester un producteur de ciment en France et développer des ciments comportant plus d'ajouts (laitiers, pouzzolanes) et moins de clinker et donc moins émetteurs de CO2 ». Il relève tout l'intérêt qu'aurait alors la mise en place d'une taxe carbone aux frontières européennes. Sophie Sanchez
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