Plus de 10.000 cheminots roumains mis à la porte

Aujourd'hui, c'est officiellement son dernier jour de travail. Lucica, les cheveux blancs clairsemés et l'air bonhomme, monte dans la cabine de pilotage d'une locomotive du centre de triage de Bucarest, la capitale roumaine. Mise en marche des moteurs, vérification des cadrans de bord, débrayage du frein à main : ce sera la dernière fois. à 46 ans et après plus de 20 ans de carrière comme conducteur de trains de marchandises, Lucica n'ose pas penser à son avenir. « En février, j'ai reçu une lettre de la direction. Quand je l'ai ouverte, je me suis dit : c'est comme un billet de loterie. Mais je n'ai pas tiré le bon numéro », grimace-t-il. Pendant un peu plus d'un an, il va recevoir 300 euros par mois, puis ses droits au chômage cesseront. Sa femme, elle, touche une retraite médicale d'environ 200 euros. La rentrée au lycée de son fils unique, l'année prochaine, risque d'être bien terne. « Qu'est-ce qu'on peut faire. Manifester ? On a déjà essayé. Le gouvernement ne nous écoute pas », témoigne Lucica, pessimiste.Au début du mois de mars dernier, les autorités roumaines ont annoncé un plan de 10.300 suppressions d'emplois dans le secteur ferroviaire. L'entreprise publique dans laquelle Lucica travaillait, la CFR Marfa, en charge du transport de marchandises, a été la plus touchée avec 6.380 licenciements et départs à la retraite anticipés. Conséquence du plan d'austérité imposé par le FMI, ces réductions d'effectifs sont très durement ressenties par la population. Pour l'analyste économique Constantin Rudnitchi, ces mesures ne sont pourtant pas le seul résultat des pressions du FMI. « Les autorités n'ont pas su attirer de fonds européens, ni faire de restructurations en temps voulu. L'arrivée de la crise a mis à jour une situation qui, de toute façon, ne pouvait plus durer », explique-t-il. Et d'ajouter : « mais opter pour une baisse de personnel n'est pas forcément la meilleure des solutions ».dégradation continueCar depuis la chute du régime communiste, en 1989, l'état des infrastructures ferroviaires en Roumanie ne cesse de se détériorer. De nombreuses vagues de licenciements ont eu lieu dans les années 90. Des 236.000 employés que comptait la Compagnie ferroviaire roumaine en 1990, il n'en reste plus que 65.000. Mais aucun plan cohérent de restructuration n'a été entrepris. Les autorités ont laissé la situation se dégrader. « Cette année encore, plus de 90 % du budget du ministère des Transports est réservé au réseau autoroutier », note Iulian Mantescu, le président du Syndicat des conducteurs de locomotive. Ce manque d'inveàstissement se ressent irrémédiablement dans la qualité du trafic. La vitesse moyenne d'un train de marchandises est aujourd'hui de 17,5 Km/h, celle d'un train de voyageurs, de 48 Km/h. Au ministère des Transports, on ne prend même pas la peine de répondre aux journalistes. Les principales fédérations syndicales du pays, elles, prévoient d'attaquer en justice le gouvernement, avant d'entamer d'importants mouvements sociaux ce printemps. J. M., à Bucarest
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