Procès Ryanair : Pôle Emploi, l'Urssaf, la Caisse de retraites réclament 8,5 millions d'euros à la low-cost

Reporté en janvier, le procès de Ryanair pour entrave au droit social français concernant son personnel basé Marseille entre 2007 et 2010, se déroulera jeudi et vendredi à Aix-en-Provence. La compagnie est notamment accusée de travail dissimulée, d\'entrave au fonctionnement du comité d\'entreprise, à celui des délégués du personnel, à l\'exercice du droit syndical, et d\'emploi illicite de personnels navigants (non affiliés au régime complémentaire obligatoire de retraite). Concrètement, le litige porte notamment sur la nature des contrats de travail de 127 employés de Ryanair à Marseille entre l\'ouverture de la base en 2007 et sa fermeture en 2010 (depuis elle a été rouverte de manière saisonnière), tous de droit irlandais, comme tous les contrats du personnel de la compagnie irlandaise en Europe. Durant cette période, l\'activité du personnel de Marseille n\'a pas été enregistrée au registre du commerce ni à l\'Urssaf. Et Ryanair n\'a pas rempli de déclaration fiscale en France ni n\'appliqué à ses employés la législation française du travail.Le décret de 2006Or, en France, un décret publié fin 2006 impose aux compagnies étrangères disposant d\'une base d\'exploitation dans l\'Hexagone d\'appliquer le droit de travail français à leurs salariés attachés à cette base, notamment les navigants. Pour eux, la notion de base s\'applique lorsqu\'ils débutent et terminent leur service en France. Chose qu\'ils ne peuvent faire que s\'ils vivent dans l\'Hexagone (et évidemment dans la région de l\'aéroport) et que, sur le plan opérationnel, les avions « dorment » à la base. Selon nos informations, Pôle Emploi Emploi, l\'Urssaf, et la Caisse de retraites du personnel navigant (CRPN), tous parties civiles, réclament à Ryanair à près de 8,5 millions d\'euros (4,7 millions d\'euros pour l\'Urssaf, 3,2 millions pour la CRPN, 493 000 pour Pôle Emploi). Les autres parties civiles comme les syndicats de navigants demandent des dommages et intérêts s\'élevant à 100 000 euros pour l\'Unac et 50 000 euros pour le SNPL.Droit irlandais plus avantageuxRyanair a toujours contesté ce décret. « Nos avions sont immatriculés en Irlande. Nos employés payent leurs impôts, leurs cotisations sociales et de retraite en Irlande, conformément à la législation européenne », a toujours déclaré Michael O\'Leary, le directeur général de la compagnie à bas coûts. Le droit irlandais est très avantageux en raison du faible niveau de charges. Il assure un avantage compétitif très important face aux concurrents soumis à un coût du travail plus important, en France en particulier. « Nous revendiquons simplement l\'application d\'une règle européenne, qui désigne la Sécurité sociale française pour les salariés basés à Marseille », a déclaré à l\'AFP l\'avocate du SNPL, Maître Claire Hocquet. « Ryanair ne cotise pas à la caisse de retraite complémentaire: c\'est un problème de dumping social par rapport aux salariés, et de concurrence déloyale par rapport aux autres compagnies », a-t-elle dit.Ryanair, une compagnie établie en France?Tout le débat tourne donc autour d\'une question. Ryanair peut elle dire qu\'elle n\'était pas une compagnie établie en France? Si oui, elle peut appliquer le droit irlandais, sinon elle doit soumettre son personnel établi en France au droit français. Aujourd\'hui, Ryanair nie d\'ailleurs avoir une « base d\'exploitation », ses salariés prenant, selon elle, leurs consignes au siège à Dublin, pour une activité marseillaise temporaire, et volant dans des avions irlandais. La justice estime à l\'inverse que la compagnie mène une activité pérenne, et même croissante, depuis cette base. L\'enquête des gendarmes de l\'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) montre ainsi que Ryanair dispose de 300 m2 de locaux, avec des lignes fixes, 95 casiers, des sous-traitants et deux cadres reconnus comme supérieurs hiérarchiques. Une surveillance des parkings révèle aussi que les salariés vivent dans la région.Le dossier va encore durerL\'enjeu de ce dossier est de taille. Soit Ryanair l\'emporte et la compagnie disposera d\'un véritable tremplin pour se développer dans l\'Hexagone avec des coûts sociaux inférieurs à ceux des compagnies françaises. Soit elle perd et les transporteurs français pourront souffler. Car, en augmentant les coûts des low-cost, l\'obligation d\'appliquer le droit du travail français les dissuaderait de créer des bases dans l\'Hexagone. \"Alors qu\'il ne se passe pas une journée sans qu\'une annonce de plan social ne vienne émailler l\'actualité, n\'attendons pas que le secteur du transport aérien s\'écroule à son tour sous le coup de pratiques à la hussarde, mâtinées de chantage auprès des collectivités locales\", explique ce mercredi le SNPL dans un communiqué. \"Les instruments existent pour préserver le pavillon aéronautique français. Ils sont cohérents, pertinents et doivent s\'appliquer sans distinction à l\'ensemble des acteurs\", ajoute-t-il. Mercredi devant la presse, le ministre des Transports Frédéric Cuvillier a indiqué qu\'il aborderait le dossier Ryanair avec ses collègues européns à l\'occasion d\'une rencontre au salon aéronautique du Bourget en juin.Ce dossier est loin d\'être fini. Ryanair se défendra jusqu\'au bout. « Si nous perdons, nous en appellerons à la cour de justice de l\'Union européenne, devant laquelle nous pensons gagner car nous appliquons le droit européen ». Déjà, il ne faut évidemment pas s\'attendre à un jugement à l\'occasion de ce procès. L\'affaire sera mise en délibéré, en juillet selon un avocat si les magistrats sont disponibles, ou, sinon, en septembre-octobre. 
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