Le Kremlin sermonne Gazprom et revient à son conseil d'administration

La compétition accrue sur le marché européen et une demande faiblissante ne font pas du tout les affaires de Gazprom, qui réalise près des trois quarts de ses bénéfices sur ce marché. Le ministère de l’économie a tiré la sonnette d’alarme mardi en avertissant que Gazprom allait faire face à de sérieux problèmes sur le marché européen s’il n’améliore pas son efficacité. « Les Européens savent gérer la demande de gaz, tandis que nous n’arrivons pas gérer l’offre » s’inquiète un vice-ministre russe cité par le quotidien Vedomosti. Gazprom sous contrôleParallèlement, le gouvernement annonce son intention de reprendre directement en main le contrôle sur Gazprom. Tout juste un an après que Dmitri Medvedev – alors encore président – ait ordonné que les hauts fonctionnaires quittent les conseils d’administration des grands groupes contrôlés par l’Etat. Le gouvernement va créer deux comités : l’un pour les investissements, l’autre pour la stratégie, afin de surveiller plus étroitement les dépenses du géant gazier.La fin de la prime hivernale L’inquiétude grandit alors que les experts estiment que le gaz de schiste américain pourrait débouler sur le marché européen dès 2016, avec pour conséquence une sérieuse baisse des parts de marché de Gazprom. Les premiers signes des bouleversements à venir se font déjà sentir. « Une offre en hausse et une baisse du prix du gaz GNL sur les marchés asiatiques devrait provoquer un afflux de méthaniers en Europe cet hiver », prédit Bradley Way, analyste chez Renaissance Capital à Moscou. « Cela devrait gâcher la prime hivernale dont Gazprom bénéficie habituellement en Europe ». Cette année, Gazprom a déjà été contraint, pour limiter la baisse des exportations, d’octroyer des rabais à ses principaux clients européens (Allemagne, Italie, France). Durant le premier semestre 2012, les livraisons de gaz vers l’Europe ont diminué de 17% en glissement annuel (72 milliards de m3). « La raison est à la fois la crise européenne et les prix élevés du gaz russe », estime Ioulia Voïtovitch, experts chez Investcafe. Selon elle, Gazprom propose aux européens un tarif de 450 dollars les 1000 m3, soit cent dollars de plus que le prix moyen constaté sur le marché comptant (spot). « Même compte tenu des rabais accordés par Gazprom, les prix du monopole russe pourraient dépasser ceux du marché spot », estime l’analyste, Plus gros producteur de gazLe bouleversement du rapportentre l\'offre et la demande à l’échelle mondiale présente des risques de plus en plus importants pour le plus gros producteur mondial de gaz. Gazprom vient de geler le développement du très onéreux gisement géant de Chtokman (auquel est associé Total, à hauteur de 25%). South Stream, un projet de gazoduc vers le Sud de l’Europe auquel participe EDF à hauteur de 15% suscite un scepticisme grandissant. Le Kremlin pousse Gazprom à dépenser 25 milliards d\'euros dans South Stream, dont le rôle est principalement de contourner l\'Ukraine, pays de transit gazier avec lequel Moscou est perpétuellement en conflit. La concurrence accrue du GNL et du gaz de schiste « met en doute l’efficacité économique de South Stream et pourrait se traduire par des pertes financières pour Gazprom », estime Ioulia Voïtovitch. D’autant plus que l’infrastructure pourrait être utilisée dans le futur par des groupes gaziers indépendants comme Novatek, qui livre une guerre des prix à Gazprom à domicile et lui prend des parts de marché. Mais le caractère éminemment politique du gazoduc, dont les travaux doivent débuter en décembre 2012, fait que le Kremlin est très peu désireux d’y renoncer.  
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.