La crise en Égypte prend chancelleries et marchés de court

S'il doit partir, il doit partir ». Dimanche soir, des milliers de personnes ont continué à scander des appels au départ du président égyptien Hosni Moubarak, bravant le couvre-feu sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, cernée par les chars. Alors que les Égyptiens demeuraient privés de médias indépendants et d'Internet, le bilan des violences était évalué à 125 morts. La nomination samedi d'un nouveau Premier ministre, Ahmed Chafik, ancien commandant de l'armée de l'air, et la désignation d'un vice-président - le premier dont s'accompagne le raïs en trente ans de pouvoir - Omar Souleimane, chef des services secrets, n'a calmé ni la rue, ni l'opposition. La Coalition nationale pour le changement, qui regroupe des formations d'opposition dont les Frères musulmans, a chargé l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Mohamed ElBaradei, de « négocier avec le pouvoir ». Le président français, la chancelière allemande et le Premier ministre britannique ont publié une déclaration dans laquelle ils ont jugé « essentielle » la mise en oeuvre des « réformes politiques, économiques et sociales » promises par Moubarak. Dimanche, l'ambassade de France n'envisageait pas d'évacuation massive mais la chancellerie qualifiait la situation « d'insurrectionnelle et volatile ». La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a plaidé pour « une transition en bon ordre » et estimé que le processus en était « à peine au début ». « Si Moubarak s'est choisi un vice-président et un Premier ministre issus de l'armée, c'est qu'il a été contraint de le faire par l'armée. On semble se diriger vers un régime militaire » indique un diplomate, résumant le sentiment des chancelleries européennes. Politologue au CNRS détaché au Caire, Marc Lavergne juge que « le régime joue le pourrissement. L'insécurité est provoquée pour donner l'impression à l'étranger qu'un pouvoir fort est nécessaire ».Samedi soir, la situation a dégénéré. Malgré un couvre-feu, la nuit a été particulièrement violente. Responsable local de Vantage Travel, un tour- opérateur américain, Bruno Wiley s'arrache les cheveux. « J'ai 80 touristes à faire sortir d'Égypte. Je ne peux même pas aller les voir à l'aéroport, la route n'est pas sécurisée », déplore- t-il. « Vent de panique » à la bourseLes conséquences économiques des événements restent incertaines. À l'instar de la Bourse tunisienne, fermée depuis deux semaines, la Bourse égyptienne a annoncé dimanche sa fermeture pour deux jours. Les places de la région (Israël, Dubai..) ont chuté dimanche. « On a eu un vent de panique, certaines sociétés cotées ont des activités en Égypte» constate Sébastien Hénin, gérant à Abou Dhabi pour la banque TNI. « Il y a des craintes de contagion » dans la région. Pour l'heure, l'Arabie Saoudite semble à l'abri, «mais qui aurait pu prédire voilà quelques semaines que les régimes tunisiens et égyptiens étaient menacés ? », rappelle l'analyste. Le coût d'assurance de la dette égyptienne contre un éventuel défaut, ou CDS, a grimpé de 65 points de base vendredi, pour atteindre 450 points pour la dette à 5 ans... le même niveau que pour l'Irak. Le baril de pétrole a bondi vendredi, le Brent frôlant une nouvelle fois les 100 dollars avec un plus haut en séance de 99,74 dollars. Car un blocus du canal de Suez, où transitent 1,8 millions de barils par jour, poserait des problèmes d'approvisionnement. En revanche l'impact sur le cours du blé, dont l'Égypte est le premier acheteur au monde, semble maîtrisé. Responsable de l'établissement public égyptien gérant les achats (Gasc), Nomani Nomani, a déclaré ce week-end que « le pays disposait de stocks importants, soit six mois de consommation ». (Lire le reportage au Caire sur la Tribune.fr).
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