La "règle d'or" européenne dérègle la majorité de gauche française

Le gouvernement entre dans une période de fortes turbulences. Non seulement il doit affronter une conjoncture passablement dégradée dont la conséquence est la hausse vertigineuse du chômage mais, de surcroît, il va devoir se méfier de ses propres soutiens sur la question européenne. De quoi s\'agit-il ? Durant la première quinzaine d\'octobre, le parlement devra adopter le projet de loi de ratification du Traité européen de Bruxelles sur la stabilité et la gouvernance au sein de l\'Union économique et monétaire (TSTG) -  ou \" pacte européen\"-, négocié en 2011 quand Nicolas Sarkozy était encore le président de la République. Un traité qui prévoit la fameuse \"règle d\'or\" limitant les déficits publics à 0,5%, tant décriée par de nombreux socialistes durant la campagne électorale. Quant à François Hollande, au grand dam d\'Angela Merkel, il n\'était pas question de ratifier ce texte tant qu\'un volet croissance n\'y était pas ajouté. Le nouveau président estime que la donne a changé depuis le sommet de Bruxelles du 29 juin dernier qui a adopté un \"pacte de croissance\" prévoyant d\'injecter 120 milliards d\'euros dans les 27 pays membres. Une victoire de Paris et de François Hollande sur Berlin, pour les uns ; une goutte d\'eau et un \"piège \" tendu par la chancelière allemande qui n\'a en réalité rien lâché, pour d\'autres.La Gauche totalement divisée sur l\'adoption du traité de BruxellesEn tout état de cause, pour François Hollande, avec cet ajout, la ratification par le Parlement français est maintenant possible. Problème, une bonne partie de la gauche rechigne. Une majorité des élus d\'Europe Ecologie - Les Verts refusent de voter en faveur du traité, dont François de Rugy, coprésident du groupe écologiste à l\'Assemblée ; pour le Front de Gauche, c\' est  un \"niet\" définitif. Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, réclamant un referendum sur le sujet. Mais il y a pire, à l\'intérieur  même du PS, l\'aile gauche emmenée par Benoît Hamon, ministre de l\'Economie sociale et de la Consommation, se fait tirer l\'oreille. Plusieurs de ses proches ont annoncé qu\'il ne votera pas le texte. C\'est le cas de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, du député de l\'Essonne Jérôme Guedj ou encore de Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis, qui, début août, dans un communiqué, estime que le traité \"fait peser une menace sur la démocratie (...) et alors que, l\'austérité bat son plein en Europe, le traité budgétaire européen gravera cette politique dans le marbre quel que soit le choix des citoyens (...) La règle de limitation des déficits à 0,5% nous expose au risque de voir un budget voté de manière démocratique censuré par le Conseil constitutionnel ou la Cour de justice de l\'Union européenne\".L\'UMP votera la ratification par respect à Nicolas Sarkozy Le gouvernement doit donc déminer pour éviter l\'humiliation de voir une partie des 279 élus socialistes et apparentés lui faire défaut, en plus des autres composantes de la gauche. Si c\'était le cas, la ratification ne serait obtenue à la majorité absolue que grâce à l\'apport des voix de... l\'UMP. En effet, l\'ancien parti de Nicolas Sarkozy a décidé de voter \"oui\". \"Par respect pour l\'ancien président\" explique un cacique de l\'UMP qui précise que \" la raison l\'a emportée alors qu\'il y aurait eu la possibilité de faire un coup politique contre le gouvernement, même si quelques uns parmi nous, qui avait déjà voté \" non\" au referendum en 2005 refuseront de ratifier le traité de Bruxelles\". Du côté de gouvernement, on est donc à la manœuvre pour calmer les esprits. Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux Affaires européennes - un proche de Laurent Fabius qui avait voté \" non\" en 2005 - reçoit discrètement les députés et sénateurs PS et Ecologistes pour leur faire entendre raison. Il fait comprendre à ses interlocuteurs que ce traité, certes loin d\'être parfait, constitue tout de même  un pas en avant dans la construction européenne et qu\'il va permettre à François Hollande d\'avancer dans la démocratisation de l\'Europe. \"Il est certain que la pression devient très forte du côté de la direction du PS et du gouvernement\", confirme André Gattolin, sénateur écologiste des Hauts-de-Seine et fervent partisan de la ratification du traité qui, selon lui ,  \"constitue un grand saut vers une démocratisation de l\'Europe politique. Quant au problème de la règle d\'or, en lisant bien le traité, on se rend compte qu\'il y a moyen de négocier, que la règle n\'est pas aussi intangible\".Pression ! certes. Si les sénateurs et députés Europe Ecologie-Les Verts votent majoritairement contre la ratification, la ministre écologiste du Logement, Cécile Duflot - qui d\'ailleurs se montre très silencieuse sur le sujet - se retrouvera dans une situation intenable. \" Il y a donc fort à parier qu\'au bout du bout, soit les écologistes se réfugient dans l\'abstention, soit le groupe accorde une liberté de vote à ses membres\", explique un député PS qui ajoute \" jamais les écolos ne prendront le risque de voter majoritairement contre le gouvernement \".Une ratification en trois actesD\'autant plus que, habilement, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a décidé de \" tronçonner\"  la procédure qui se déroulera en trois actes. Acte 1. Le premier ministre va se livrer à une déclaration de politique européenne - sur le modèle des discours de politique générale - suivie d\'un vote. Dans ce discours, tout sera fait pour rassurer les opposants : ode à la nécessaire démocratisation de l\'Europe politique ; rappel que sera adoptée avant la fin de l\'année la taxe sur les transactions financières dont la majorité des recettes seraient affectées au budget propre de l\'Union européenne, ce qui la rendrait moins dépendante des dotations nationales ; etc. A ce stade, il est difficilement imaginable de voir des élus PS et écologistes s\'opposer à ces orientations. Acte 2. Le gouvernement déposera un projet de loi \" de ratification du Traité sur la stabilité et la gouvernance au sein de l\'Union monétaire\" comprenant u seul article. Là, il s\'agit de voter \"oui, nous ratifions\" ou \"non, nous ne ratifions pas\". Aucun amendement n\'est possible. Le Front de Gauche votera contre, l\'UMP approuvera par fidélité à l\'ancien président et les écologistes auront une liberté de vote... ou s\'abstiendront. Ce qui devrait être le schéma majoritaire. Acte 3 : le dépôt d\'un projet de loi organique qui inscrira en droit interne la fameuse \"règle d\'or\"  budgétaire. Là, les amendements sont possibles et le Sénat peut adopter un texte différent. Ce qui pourrait conduire à la tenue d\'une commission mixte paritaire. L\'Assemblée nationale ayant le dernier mot. Il est fort possible que l\'UMP mène la bataille, notamment sur son regret de ne pas voir la règle d\'or inscrite dans la Constitution. Mais, in fine, elle devrait au pire s\'abstenir. Le Front de Gauche votera contre et les écologistes, une fois encore, se débrouilleront pour s\'opposer juste ce qu\'il faut pour ne pas se brouiller avec le gouvernement et la direction du PS. Ainsi s\'achèvera ce psychodrame. Commencera alors l\'épineux débat sur le projet de loi de fnances 2013, avec les très douloureuses décisions à prendre pour tenir le cap d\'un déficit public limité à 3% du PIB. Un objectif européen !  
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