La France, l'adieu aux armes ? (4/5)

Et le moral des soldats ? Il est chancelant, selon trois des quatre grands patrons des armées. Pourquoi ? Moins d’opérations extérieures à partir de 2012, sévères restructurations et entraînements sacrifiés entre autre pèsent lourdement sur le moral des armées, qui est \"aujourd’hui au seuil d’alerte\", estime le chef d’état-major des armées, l’amiral Edouard Guillaud. \"Dans l’ensemble, explique-t-il, le personnel ressent une dégradation des conditions d’exercice du métier, en particulier dans les domaines du soutien. Il ne perçoit pas toujours la reconnaissance de ses efforts et de ses spécificités – j’entends celles du métier des armes\". Du coup, selon l’amiral, \"il est tenté par le repli identitaire, celui de la couleur d’armée alors que nous vivons dans un monde où le caractère interarmées et combiné s’impose\".Un empilement de réformes mal acceptéPremier coup de blues des soldats, les restructurations permanentes initiées par le livre blanc de 2008 et la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ces deux programmes \"mettent en œuvre une réforme profonde de l’organisation (des armées, ndlr) et de leurs modes de fonctionnement, la plus importante depuis la réforme Messmer de 1962\", confirme l’amiral Edouard Guillaud. Au total, la Grande Muette doit supprimer environ 50.000 postes. La RGPP a exercé \"une pression impitoyable sur les effectifs\", confirme le  chef d’état-major de l’armée de terre, le général Bertrand Ract Madoux, qui plaide pour une pause dans les réformes et déplore \"l’empilement simultané de différentes réformes\". \"Il ne faudrait pas en rajouter\", souligne-t-il en outre. Ce que confirme le chef de l’état-major de l’armée de l’air, le général Jean-Paul Paloméros : \"nos armées sortent assez fatigués des réformes en cours, qu’elles ont dû mener en même temps que leurs opérations militaires. Une accumulation de réformes ne constituant pas une réforme en soi, les réformes à venir devront donc être réfléchies et cadencée\". Ce dernier constate également que \"le moral des hommes est contrasté\" : \"à la grande fierté qu’inspire l’accomplissement des missions s’associe, parfois, le sentiment d’un manque de reconnaissance ou un doute quant au fait de savoir si les réformes courageuses et difficiles qui ont été mises en œuvre suffiront\". Une vraie lassitude des réformes\"Nous avons déjà supprimé plus de 32.000 postes\" mais \"le plus dur reste à faire\" même si \"nous sommes en avance sur la trajectoire prévue\", précise l’amiral Edouard Guillaud. Car, il reste encore 16.000 postes \"à déflater\", dont \"certains ne sont pas identifiés\". Dans l’armée de l’air, il reste par exemple encore à réduire un tiers de l’objectif des 16.000 postes à supprimer. Et l’amiral Guillaud de marteler, \"le rythme des réformes provoque une vraie lassitude. L’aspiration à une pause, à une stabilisation des structures est très largement partagée\". \"Cette lourde réforme a vu des unités perdre leur repère\" au niveau de l’échelon régimentaire, précise de son côté le chef d’état-major de l’armée de terre, qui a vu ses effectifs fondre en dessous du seuil symbolique de 100.000 militaires. Une lassitude doublée \"d’inquiétudes sur l’avenir d’autant que la situation de la majorité de notre personnel est précaire – 65 % des militaires sont des contractuels\". En conséquence, indique le chef d’état-major des armées, \"la conduite de notre transformation devient de plus en plus difficile\". Ce qui n’a pas obéré \"la résistance exceptionnelle\" des soldats français \"à la douleur, à la fois dans l’engagement et dans la perte de camarades\", rappelle le général Ract Madoux.Le moral dans les chaussettesDeuxième coup au moral, la fin des opérations en Afghanistan, notamment. \"L’impact du retour d’Afghanistan pour l’armée de terre sera difficile à gérer et c’est en partie une question de commandement. Cela ne sera pas simple et cela fait l’objet d’une attention particulière\", explique l’amiral Guillaud, qui compte notamment \"jouer sur les jours d’activité en entraînement opérationnel pour conserver la motivation et des savoir-faire\". Un effort devra toutefois être réalisé car comme le rappelle le général Ract Madoux, car \"l’armée de terre ne dispose plus totalement des ressources nécessaires à une préparation opérationnelle minimum\". Tout comme l’entretien programmé des équipements. \"Ma plus grande préoccupation reste la disponibilité des matériels, dont dépendent nos capacités opérationnelles, sans parler des effets sur le moral des hommes\", note pour sa part le général Paloméros. Ce qui aggrave le blues des soldats. Et l’amiral Guillaud constate déjà \"une baisse de moral – c’est humain ! – et nous en sommes conscients\". De son côté, le général Ract Madoux veille \"à ne pas rendre la vie de ces jeunes soldats ou de ces jeunes cadres, qu’ils soient officiers ou sous-officiers, inintéressante ou répétitive\" en raison de la baisse du nombre des opérations extérieures.Retrouvez les épisodes précédents :> France, l\'adieu aux armes (1/5) \"L\'armée française ne peut tenir certains de ses contrats opérationnels\"> France, l\'adieu aux armes (2/5) \"En matière d\'équipements militaires, la France oscille entre grandeur et décadence\"> France, l\'adieu aux armes (3/5) \"Les déficiences dans l\'entretien des matériels français\"
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