Gazprom gèle le projet pharaonique de Shtokman

Curieuse coïncidence. Le jour même où Gazprom achève la construction de la seconde branche du gazoduc Nord Stream, le groupe annonce le gel sine die du gisement qui devait à moyen terme alimenter ce gazoduc. Nord Stream double sa capacité de 27 à 54 milliards de m3 de gaz par an alors que Gazprom se prive pour au moins une décennie des 4000 milliards de m3 contenus dans Shtokman. Découvert en 1988, le gisement représente 2% des réserves mondiales et de quoi satisfaire la production globale pendant toute une année. Que fera Total?Le français Total, qui possède 25% dans la société développant le gisement gazier géant, fera connaître sa position le 4 septembre prochain, lors d’une réunion des coactionnaires. Au début du mois d’août, Statoil avait déjà rendu à Gazprom sa part de 24% et passé les 336 millions de dollars déjà dépensés dans le projet par « pertes et profits ». Gazprom n’est pas tenu de rembourser cette somme au groupe norvégien. Le géant d’Etat russe va désormais attendre 2014 pour réfléchir de nouveau à une décision d’investissement, peut-être avec des partenaires différents. Le projet a connu de nombreux retards dans le passé, mais la décision du 29 août scelle le sort du projet tel qu’il a été monté en 2007 par les trois groupes.Un projet à 30 milliards de dollarsLe coût exorbitant du projet, estimé à près de 30 milliards de dollars, est dû à la situation géographique du gisement, dans la Mer de Barents. Shtokman est situé à 550km des côtes, en zone Arctique. Jamais un gazoduc sous-marin d’une telle longueur n’a été construit en milieu polaire. La distance par rapport aux côtes interdit aussi la rotation du personnel par hélicoptère, ce qui pose des problèmes organisationnels supplémentaires. « Le gaz qui aurait pu être extrait à Shtokman n’est pas concurrentiel dans les conditions actuelles » explique Mikhaïl Kroutikhine, partenaire chez le consultant RusEnergy. Total et Statoil ont toujours soutenu le contraire, mais conditionnaient la décision d’investissement à d’importants allègements fiscaux accordés par l’Etat russe. Le Kremlin a toujours refusé, d’où l’impasse actuelle. Pour Mikhaïl Kroutikhine, qui a toujours été sceptique quant à la viabilité économique de Shtokman, « l’annulation des taxes n’est pas suffisante pour compenser le prix extravagant du projet. Même si toutes les taxes sont annulées, le gaz venant de Shtokman restera plus cher que celui des concurrents » Novatek favorisé? D’autres experts mettent en avant le rôle de l’Etat dans l’échec de Shtokman, voire insinuent que le Kremlin favoriserait un groupe gazier privé, Novatek, aux dépens de Gazprom, qui est détenu à 51% par l’Etat. « Il existe un projet concurrent à Shtokman : Yamal GNL [contrôlé à 80% par Novatek]», souligne Konstantin Simonov, président du Fonds pour la Sécurité Energétique Nationale. « Yamal GNL n’est pas moins complexe. Il se trouve aussi en zone Arctique et toute l’infrastructure reste à faire. Le gaz ne sera pas moins cher. Il me semble que l’Etat a fait un choix en faveur de Novatek. Yamal GNL bénéficie d’ailleurs d’importants allègement fiscaux ». Beaucoup d’experts rappellent que Novatek compte un actionnaire (Guennadi Timtchenko, 23% des actions), connu pour être un proche de Vladimir Poutine. Une préférence qui n’est pas passé inaperçue chez Total. Le groupe français a pris une participation de 15% dans Novatek et de 20% dans Yamal GNL.  
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