Exposition

Fellini, l'homme-orchestreSon cinéma, c'est celui d'un rêve d'adolescent avec ses visions fantasmées de la femme, de l'érotisme, de la religion. Une transgression du réel qui fait de Federico Fellini le créateur d'un univers au sein duquel chacun peut se reconnaître, se projeter dans ce qu'il imagine de plus fou. De film en film, il a écrit l'histoire de l'humanité. Son histoire à lui, qui s'accroche à des fragments de l'époque dans laquelle il vit. Il dit lui-même « mes personnages me suivent d'un film à l'autre. Ils me demandent ». Et on en suit la trace dans cette exposition du Jeu de paume, à Paris, qui regroupe quelque 400 documents, photographies, extraits de films, journaux ou coupures de presse.L'origine de son talent, de son génie même, on la trouve dans le dessin, qu'il pratique très jeune et qui sera à la base de ses films. « Au début de chacun de mes films, je passe la plus grande partie de mon temps à ma table de travail et je ne fais que gribouiller des fesses et des nichons. C'est ma manière de commencer mon film, de le déchiffrer à travers ces gribouillages, une espèce de fil d'Ariane pour sortir du labyrinthe », dit-il.Ensuite, il lui faut trouver les acteurs professionnels ou non qui s'approchent au plus près de ces caricatures. Casting hallucinant qui voit défiler des milliers de personnes que Fellini reçoit une par une pendant des mois. Jeu de miroir troublant qui traduit une autre réalité de la vie. Qui la transgresse. Fellini invente la réalité. Ogre, il dévore et se nourrit de tout. Des gens qu'il observe, des faits divers qu'il remarque dans les journaux et dont il se sert. C'est à la suite d'un reportage photographique où l'on voit Anita Ekberg entrer dans la fontaine de Trévi qu'il a l'idée d'en faire une scène avec Marcello Mastroianni dans « la Dolce Vita ». De même, toujours avec la même Anita Ekberg, quand son mari Anthony Steel fait le coup de poing avec des paparazzi.Culture populaireCet amoureux de Poe, Dickens et Lovecraft est né au cinéma à travers la culture populaire, la BD, la caricature et le roman-photo, très en vogue dans l'Italie des années 1940 et 1950. Dans cet esprit-là, il tourne son premier film « le Cheik blanc » ou avec Alberto Lattuada « les Feux du music-hall ». Ce music-hall pour lequel il a une énorme tendresse avec son érotisme de pacotille, ces machos qui dévorent des yeux les girls un peu potelées, l'ambiance enfumée et les mauvais numéros de chanteuses de variété.Le cirque, c'est une tout autre affaire. Il le vénère. Avec « la Strada », il lui donne une certaine noblesse populaire. Il est vrai qu'il a rencontré et épousé son clown Giulietta Masina. Lorsque, après une période proche du néoréalisme, il tourne « la Dolce Vita », en 1960, il ébranle toutes les certitudes d'une société italienne bien-pensante et bouleverse la narration cinématographique. Et il offre au cinéma un comédien presque inconnu, Marcello Mastroianni. Un mythe est né. Celui du « latin lover », dilettante, couvert de femmes et pourtant veule en regard de lui-même et de la société dans laquelle il évolue. Fellini a trouvé son style. Il a créé un cinéma de l'inconscient, du fantasme et du souvenir, avec lui seul au centre de l'action. C'est « Huit et demi », « la Cité des femmes », « Juliette des esprits », « Fellini Roma », « Amarcord ». Un cinéma jamais égocentrique, tourné vers les autres, l'amour, le désir. La femme. La vie.Si cette exposition n'apporte aux fans du cinéaste rien de plus dans la connaissance de Fellini, malgré un ou deux documents peu connus comme son film « Bloc-notes d'un cinéaste » dont on peut voir des extraits, elle dresse un portrait juste au plus près de la création du cinéaste. Et rappelle qu'il est aujourd'hui encore un des plus grands.Jean-Louis Pinte
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