Une charte. Il fallait oser !

Le réseau « Toutes Femmes, Toutes Communicantes » de Communication & Entreprise lance sa charte, construite autour de ses 3 ambitions : partager des expériences, activer les potentiels, responsabiliser la profession.

Alors que la communication est matière vivante et évolutive, nous avons voulu stabiliser des convictions simples dont nous souhaitons qu'elles continuent d'animer nos métiers. Féminisme, le mot fait souvent peur. Chargé de symboles et d'idées reçues, il renvoie à une vision de femmes dont l'objectif serait de dominer les hommes là où elles ne cherchent bien souvent qu'à remettre de l'équité dans les rapports sociaux.

Nous n'avons pas écrit de charte féministe. Nous avons écrit une charte pour la profession de communicants, avec modestie certes, mais beaucoup de détermination. Nous, communicants, proposons au monde des signes et des mots qui diffusent de l'information, des opinions et de la connaissance. La manière d'exercer cette profession n'est donc pas neutre, elle a de l'influence sur le corps social.

En tant que femmes communicantes, nous prenons toute la mesure de cette responsabilité.

Le monde a changé

Pour l'endosser correctement, nous souhaitons d'abord nous donner confiance les unes les autres. Notre héritage historique n'a pas toujours joué en faveur de la confiance des femmes en elles et entre elles. Durant des siècles, elles ont été contraintes d'évoluer au sein d'une organisation sociale et professionnelle androcentrée où les espaces de pouvoir et de possibilité leur ont été interdits. Ce n'est qu'au 20e siècle que des progrès importants furent faits en matière de droit de vote, de libertés sexuelles et professionnelles. C'était il y a 50 ans, c'était hier. Mais le monde a changé. Les clubs masculins du 19e siècle ont fait place à des réseaux internationaux, mixtes, ouverts et dont le premier pilier de notre charte entend témoigner. Partager des expériences. C'est pour nous la meilleure manière de nous renforcer dans nos expertises, de nous apprendre les uns des autres. Ce sont des dîners et des rencontres, des moments de plaisir et de réflexion dans lesquels se forment ces liens invisibles qui rendent une communauté offensive, indivisible et épanouie. Nous pensons que le professionnalisme des femmes communicantes et au-delà a d'abord besoin de ces interactions.

Les femmes doivent assumer leur leadership

Mais acquérir de la confiance implique aussi de lutter contre l'intériorisation des rôles. Avoir une vie personnelle épanouie, pour les femmes comme pour les hommes, ne doit pas passer par le sacrifice de leur vie professionnelle ! Plus maintenant ! D'ailleurs, jamais les entreprises et les organisations n'ont été autant porteuses de discours sur le bien-être de leurs salariés. Pour saisir ces opportunités, les femmes doivent assumer leur leadership et leur talent, en acceptant d'apparaitre comme les « sachantes ». Se pose ici l'épineux sujet du leadership féminin brillamment soulevé dans un article désormais célèbre de la Harvard business Review[1] en 2007 : les femmes managers qui réussissent sont perçues comme plus agressives et plus égoïstes que les hommes managers, c'est le syndrome de la Reine des abeilles, autant admirée que détestée par ses congénères.

Elles ont par ailleurs du mal à trouver un style de leadership qui combinent les qualités que l'on apprécie d'ordinaire chez elles (compassion, sens du collectif...) avec les attributs que l'on pense nécessaire aux leaders (affirmation de soi et contrôle). Que l'on soit d'accord ou pas avec cette analyse un peu déterministe des choses, il y a comme un malaise dans la civilisation managériale où les femmes ont tendance à tomber dans le mimétisme des rôles masculins dominants. Devant ces constats, une action s'impose : l'activation des potentiels. C'est le deuxième pilier de notre charte. Un potentiel n'est pas un donné ou un guide reproductible, c'est une singularité assumée. C'est le sens de notre réseau : aider chacune à occuper tout l'espace de son destin et à croire en ses capacités. Pour ce faire, concrètement, des ateliers, des coachings, des textes pour ouvrir le débat, bref, des ingrédients pour se libérer de contraintes superflues. Vous avez dit décomplexées ? Oui, on peut le dire.

Soigner la représentation médiatique

Troisième pilier de notre charte et non des moindres : responsabiliser la profession. Nous en parlions précédemment. Si les femmes acceptent de prendre la parole et assument leur leadership, encore faut-il qu'elles aient l'espace pour s'exprimer ! Depuis des années, le CSA tire la sonnette d'alarme et met en avant la sous-représentation des femmes dans les médias (par exemple, seules 18% d'entre elles sont experts ou témoins interrogés !). Facilités par la dynamique de la loi du 4 août 2014, notons tout de même que certains pas ont été réalisés, notamment par France Télévisions qui s'est engagé sur le chiffre de 35 % de femmes experts pour 2015. On peut souligner également que Mathieu Gallet, président de Radio France, a nommé un grand nombre de femmes à des postes de responsabilité.

Il est important que les femmes puissent être représentées dans ces caisses de résonnance et leviers éducatifs pour les jeunes générations que sont les médias. Tout autant d'ailleurs que les hommes sans pour autant tomber dans une égalité mathématique systématique qui ne fait pas sens pour nous.

Dans le même ordre d'idées, nous invitons les professionnel(le)s de la communication à prendre soin de l'image des femmes qu'elles ou ils cautionnent dans les outils de communication qu'ils produisent. Nous ne nous battons pas pour un monde rigide où les hommes devraient être dépossédés de leur talent. Nous militons au contraire pour plus d'équilibre qui soit aussi favorable aux hommes, car un monde respirable est un monde où chacun a droit de cité quel que soit son sexe.

Ce féminisme de compétences, de réseau et d'équilibre est pour nous une condition pour bâtir une société plus performante économiquement et plus juste socialement. C'est une cause que le réseau « Toutes Femmes, Toutes Communicantes » de Communication & Entreprise embrasse avec l'enthousiasme fervent de ceux qui n'ont pas de guerre à mener mais des engagements auxquels donner forme et célébrer.

[1] Women and the Labyrinth of leadership, Alice Eagly and Linda L.Carli in HBR, 2007

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