Télévision publique : le grand chambardement publicitaire

Par Christine Removille, directrice d'Accenture Marketing Sciences France.

Dès le 1er janvier 2009, les écrans de France Télévisions se trouveront privés de publicité en soirée, avant d'être totalement exemptés de coupures publicitaires en 2011. Voici résumée la proposition faite par la commission Copé, constituée à la demande du président de la république. Le gouvernement devrait statuer dans le courant du mois d'octobre sur cette épineuse question qui a déclenché un torrent de commentaires. Environ 7% du marché publicitaire télévisuel sont concernés.

Pour tenter d'y voir plus clair, replaçons les éléments dans leur contexte. En 2007, les annonceurs ont investi en publicité télévisuelle 4,3 milliards d'euros net. Sur ce montant, un peu moins d'un cinquième a bénéficié à France Télévisions. Si la suppression de la publicité en soirée sur le service public est confirmée par le gouvernement, ce sont 300 millions d'euros net qui seraient réorientés chaque année vers les chaînes privées.

Toutefois, pour conséquent qu'il soit, ce montant ne représente donc «que» 7% du marché global de la publicité à la télévision. De plus, s'il y a cessation complète de la publicité sur le service public en 2012, 300 millions d'euros supplémentaires (hors parrainage) seraient redistribués annuellement dans le marché publicitaire. A cette date, l'espace publicitaire en télévision aura été profondément modifié. Cette perspective s'inscrit dans le cadre de l'application de la directive européenne «Services des médias audiovisuels» qui prévoit un assouplissement des quotas horaires et du quota quotidien de publicité, ainsi que l'introduction d'une seconde coupure dans les ?uvres audiovisuelles.

Toutes ces mutations font de la rentrée de l'automne 2008 un carrefour stratégique, et les annonceurs redoublent de vigilance. En effet, c'est dès à présent que se définissent les plans d'investissement médias pour le début d'année 2009. En fonction de la taille de l'annonceur et de sa stratégie de ciblage, l'arrêt de la publicité en soirée sur France Télévisions aura des répercussions plus ou moins décisives pour les entreprises.

Quelle donne économique se profile pour 2009?? Deux scénarios coexistent. Si le gouvernement accepte que TF1 et M6 augmentent la durée et le nombre de leurs coupures publicitaires, le coût de la télévision restera maîtrisé puisque ces nouveaux créneaux « absorberont » les campagnes qui ne passeront plus sur France Télévisions. Mais le risque existe alors d'une dilution de l'impact publicitaire, le téléspectateur se lassant de ce «trop plein». Si la seconde hypothèse est retenue ? ne pas augmenter les volumes publicitaires diffusés sur les chaînes privées ?, alors planera un risque d'inflation du coût de la télévision...

D'autre part, France Télévisions avait fait le pari début 2008 de modifier sa politique commerciale. Les annonceurs n'ont pas suivi, puisque le groupe France Télévisions a perdu sur les quatre premiers mois de l'année 40% de son espace publicitaire... Pour quelle stratégie commerciale France Télévisions va-t-elle donc opter en 2009?? Là aussi, la réponse sera connue courant octobre, quand le groupe publiera ses nouvelles conditions générales de vente.

Face à ces scénarios, comment vont s'adapter les annonceurs?? La catégorie la plus impliquée par l'arrêt de la publicité à France Télévisions est sans conteste le «top 10» des annonceurs en télévision qui ciblent en priorité les ménagères. Ces sociétés investissaient en moyenne 22% de leurs achats d'espace télévisuel dans France Télévisions. L'objectif prioritaire de ces groupes sera donc de combattre l'inflation possible du prix des spots sur TF1 et M6.

Outre la négociation commerciale, ces entreprises auront aussi intérêt à diversifier leurs investissements publicitaires, en parrainant des programmes et en misant sur l'essor de la TNT, du câble, du satellite et de l'ADSL. Les annonceurs les moins impactés seront les sociétés plus petites qui ciblent en priorité des niches comme les jeunes et qui sont faibles consommatrices de France Télévisions. Au final, l'arrêt programmé de la publicité sur les chaînes publiques ne vient que renforcer une tendance déjà amorcée?: la combinaison de la fragmentation des médias ? et donc une redistribution des audiences ? et de la croissance indéniable de la TNT et d'Internet ? et donc un report vers les chaînes numériques. D'ailleurs, M6 vient de créer une cellule en charge de la commercialisation de W9, une des chaînes montantes de la TNT.

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