Pétrole, l'étrange oubli du G20 de Pittsburgh

A Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, les pays du G20 vont discuter des mesures susceptibles d'éviter de nouvelles crises, en particulier dans le secteur financier. Mais le programme omet certains sujets, tel le pétrole. Si l'air du temps est à l'"après-pétrole", il n'en reste pas moins que, en attendant cette nouvelle ère, ce produit demeure l'un des piliers du développement économique, notamment pour les pays émergents.

Au début du mois de juillet, avant la période estivale, le Premier ministre britannique, Gordon Brown, et le président de la république française, Nicolas Sarkozy, ont publié un article dans le Wall Street Journal. Ils plaidaient en faveur d'une "surveillance des gouvernements sur les prix du pétrole". Ces derniers, faut-il le rappeler, ont eu un impact négatif sur l'activité économique mondiale ces dernières années et ont contribué à la récession, comme le soulignaient les deux leaders. Gordon Brown et Nicolas Sarkozy stigmatisaient la volatilité des cours due à la spéculation, arguant que tant les producteurs que les consommateurs ont besoin de prix stables pour assurer le futur approvisionnement. Ils formulaient l'espoir que les leaders mondiaux intègrent ce problème dans leurs discussions.

Ce n'était déjà pas le cas au G20 de Londres en avril, ce ne sera pas le cas à Pittsburgh. Pourtant, les raisons qui ont conduit à la multiplication par 7 du prix du baril entre 2002 et la mi-2008 demeurent. En effet, si la bulle sur l'or noir qui a éclaté en septembre 2008 a focalisé l'attention sur la financiarisation et la spéculation de ce marché, l'équation des fondamentaux, en particulier la production, reste irrésolue.

Sur ce point, certaines données chiffrées sont intéressantes à noter. Sur la période 2004-2005, le PIB mondial a augmenté en cumulé de 9,4%, entraînant logiquement à la hausse la demande pétrolière (+ 3,9%), avec une envolée des prix de 88%. Sur la période 2006-2007, la croissance du PIB mondial s'accélère (+ 10,1%), mais les besoins pétroliers ralentissent (+ 2,3%) (soit 1,9 mbj dont 47% représentent les seuls besoins chinois), traduisant une première réaction de la demande à la cherté de l'or noir (+ 54% sur 2006-2007). Malgré la croissance économique mondiale la plus importante de l'histoire, la production n'aura augmenté que de 2% entre 2004 et 2008.

Autrement dit, dans nombre d'économies développées, les industriels et les particuliers ont modifié leur attitude, en intégrant le fait que les cours allaient continuer à s'apprécier, et ce malgré une croissance économique qui s'accélérait. C'est l'époque où régulièrement certains experts avancent dans les médias un prix futur de 200 dollars le baril. Le problème est que l'économie mondiale n'est pas prête à supporter un tel prix. D'ici quelque temps, les études pourront évaluer le rôle exact joué par la cherté du pétrole (et de celle de l'ensemble des matières premières) dans une récession qui avait commencé avant la crise financière stricto sensu. Par ailleurs, durant le second semestre 2008, alors que les cours chutaient de plus de 70%, la demande pétrolière mondiale se réduisait de seulement 2,6% (de 6% pour la seule Amérique du Nord). Depuis les 35 dollars de décembre dernier, la récession économique n'a pas empêché les prix du baril de plus que doubler, pour évoluer ces derniers temps au-dessus des 70 dollars.

Les raisons qui ont conduit à la forte hausse des cours ces dernières années demeurent. Certes, les stocks de couverture dans les pays de l'OCDE se sont reconstitués, passant de 83 jours de consommation à la fin 2007 à 97 à la mi-2009. Mais cela ne concerne que les pays qui ont réussi à limiter leur consommation, voire à la faire légèrement baisser, pas les économies émergentes qui auront à l'avenir besoin de plus en plus de pétrole pour se développer, en particulier dans les transports.

A plus ou moins longue échéance, nous devrions donc être à nouveau confrontés à une remontée rapide des prix du baril. Les responsables du G20 seraient donc bien avisés collectivement de se concentrer sur les réelles solutions à ce problème récurrent, plutôt que de blâmer la spéculation sur les marchés, même si une meilleure transparence sur les transactions est nécessaire.

A court et à moyen terme, en effet, le problème ne réside pas tant dans les réserves, n'en déplaise aux tenants de la théorie du « peak oil », que dans la transformation du pétrole contenu dans le sous-sol en barils prêts à être livrés sur le marché. Par exemple, ces derniers jours, on fait grand cas d'un gisement évalué à 1,8 milliard de barils découvert en Sierra Leone. C'est une aubaine pour un des pays les plus pauvres de la planète. Mais cela ne représente que 21 jours de la consommation mondiale actuelle. Combien de temps faudra-t-il pour les récupérer ?

Comme l'indiquaient Gordon Brown et Nicolas Sarkozy, les pays producteurs comme les pays consommateurs pâtissent du yo-yo des cours. Mais si l'or noir a aussi la particularité de relever d'un secteur majoritairement privé en Occident, donc conduit par une logique de profit, il reste pour tous les pays consommateurs comme producteurs, développés comme émergents, un sujet extrêmement sensible socialement et politiquement. Un tel enjeu dépasse largement le problème de la spéculation sur les marchés. En conséquence, le pétrole méritait une discussion de premier plan au moins diplomatique au G20 de Pittsburgh. Dommage. Ce sera pour une prochaine fois !

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le prix du marché du baril de pétrole devrait, selon la théorie économique, être égal au coût de production marginal du pétrole le plus onéreux à extraire. Ce coût tourne autour de 70 USD pour celui extrait des sables bitumineux du Canada ou pour les...

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