L'Europe dans tous ses états

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste de La Tribune.

Européens, vous avez aimé la crise, vous adorerez la sortie de crise ! Les réponses apportées, dans l'urgence, au choc économique de 2008-2009 ont certes permis d'éviter la grande dépression annoncée, mais elles ont dans le même temps mis à genoux toutes les règles de gouvernance européenne. Première ligne de défense à avoir sauté, celle du marché intérieur. Pour sauver les banques et le secteur automobile, Nelly Kroes a dû accepter une mise entre parenthèses des règles de concurrence.

Il sera très difficile de convaincre les pays qui ont donné libre cours à leur nationalisme économique de revenir en arrière. Opel en Allemagne vaut bien la nationalisation des banques britanniques, ou le plan d'aide français à Renault et PSA. 1 partout, la balle au centre ! La crise a aussi fait tomber les digues du pacte de stabilité et Joaquin Almunia, le commissaire en charge des questions économiques, aura toutes les peines du monde à en restaurer la crédibilité. Il a beau avoir mis vingt pays sur vingt-sept en demeure de reprendre le chemin de l'ajustement budgétaire, les pays européens ont désormais pris la mauvaise habitude de se "shooter" à la relance keynésienne. A commencer par la France qui, non contente de laisser filer son déficit à 8,5 % du PIB en 2010, a abandonné toute volonté de respecter les critères du traité de Maastricht avant 2015, quand Bruxelles lui enjoint d'y parvenir dès 2012.

La "douce négligence" de Nicolas Sarkozy à l'égard de la dette publique se manifeste aussi au travers du fameux grand emprunt national, qui n'est rien d'autre qu'une façon de contourner les règles du pacte de stabilité. Mais la France n'est pas seule à tricher. L'Allemagne elle-même s'apprête à créer un fonds d'assurance pour débudgétiser ses dépenses sociales. Quant au gouvernement socialiste grec, il pratique la politique du pire en annonçant, à la faveur de l'alternance, un doublement, à 12,5 % du PIB, du déficit 2010 prévu par le cabinet Papandréou...

Cette dérive budgétaire est dangereuse. Autant la suspension du pacte de stabilité était nécessaire au coeur du cyclone, autant le retour à la discipline individuelle et collective est indispensable pour accompagner la reprise. Tout autre choix serait suicidaire pour l'Europe, qui va entrer dans le choc démographique dans la pire des situations, avec une dette moyenne représentant une année de production annuelle.

Quand on pense que, rien que pour la France, pays à la natalité la plus favorable, le vieillissement représentera plus de 3 points de PIB de dépenses annuelles supplémentaires, l'équivalent du plafond de déficit que nous sommes incapables de respecter, il y a de quoi frissonner pour les impôts futurs?

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Commentaire 1
à écrit le 25/10/2009 à 9:34
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Le peuple réclame toujours plus sans se soucier de la note à payer. Tout le monde tire la couverture à soi. Que peuvent faire les gouvernements : suivre ou sauter. Après nous le déluge ! jamais ces quelques mots n'ont été autant d'actualité. Il faut ...

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