Ouvrons le grand débat de l'identité patronale !

Alors que les critiques à l'encontre du mode de gestion de la patronne du Medef se multiplient, la présidente du mouvement patronal Ethic prône un patronat multiple et diversifié, reflet d'une réalité diverse des entreprises françaises. Une vision qui passe, dit-elle, par une remise en cause de certains dogmes patronaux.

Le patronat d'aujourd'hui n'est pas, ou ne peut plus être, une caste qui continue d'incarner le charme discret de la bourgeoisie d'entreprise. Il existe tous les problèmes que l'on connaît, qui vont de la crise économique au coût du travail en passant par les mythiques 35 heures et la lutte des classes transposée à l'entreprise, mais il se passe quelque chose en plus. La diabolisation de la mondialisation est morte de sa belle mort, prise de vitesse par le constat d'une réalité. Il faut savoir comprendre l'époque et sentir que nous sommes à un vrai tournant du capitalisme.

Un tournant comme jamais nous n'en avions connu : des secteurs économiques insoupçonnés, l'économie du Net, la communication qui explose littéralement dans la diffusion et le contenu, l'opinion publique qui devient un partenaire social comme les autres, car son humeur peut faire varier des cours de bourse. L'élite patronale française, qui a toujours privilégié l'entre-soi et qui a tourné pendant des dizaines d'années en circuit fermé, a résisté tant qu'elle a pu, usant les chaises musicales des mêmes élites jusqu'à la corde. Ce système qui a tenu correspond à une autre époque, il faut en tirer les conséquences. Pour les financements occultes, c'est réglé ! Mais pour le reste, comme dit la chanson, "tout va commencer".

La fameuse unité patronale n'a plus réellement de sens tant les problèmes auxquels nous devons faire face, et les entreprises elles-mêmes, sont multiples. "Parler d'une seule voix", le grand objectif du CNPF d'antan et du Medef d'hier a-t-il encore un sens ?

Le monde est devenu réactif, les rapides mangent les lents, les gros ne mangent plus les petits en silence. On sait que les PME font la richesse du pays. Les fédérations savent qu'il faut se battre tous les jours pour survivre, à coup de lobbying, d'interventions, de débats. Il faut se battre dans son coin et contre tout : la niche fiscale qu'on vous supprime, le projet de loi qui vous menace, la concurrence venue d'ailleurs, l'Etat qui cherche de l'argent partout et dans chaque PME avec une créativité croissante, les directives de tous bords. Sans oublier les incantations contradictoires, comme les quotas pour recruter des femmes, des seniors, des ethnies différentes? toujours par CV anonyme, bien sûr !

Ce qui est bon pour les uns ne l'est pas forcément pour les autres. D'ailleurs, certaines organisations, qui se veulent toujours plus grosses, n'arrivent même pas à dégager des positions communes en interne.

A un autre niveau, il faut aussi se battre contre son propre pays, qui accuse les entrepreneurs d'être des nantis, contre les politiques qui se veulent protecteurs de la veuve et de l'orphelin (forcément des salariés exploités). Il faut lutter au sein de son environnement direct, se défendre contre les donneurs d'ordres lorsqu'on est fournisseur, contre les Européens ou les Chinois, contre les taxes carbone et autres, contre les syndicats, contre la hausse du Smic (et oui, hélas !)? Alors, évidemment, comment croire que cette tâche peut incomber à un seul homme, même si c'est une femme !

Face à cette marée de difficultés, l'erreur est de croire qu'exiger d'être univoque est une garantie de pouvoir. Au contraire, il faut aujourd'hui partager, donner la parole, reconnaître les spécificités, faire preuve de modestie face au terrain, soutenir les efforts des uns et des autres, valoriser les succès, appuyer les initiatives, ne rien confisquer ni s'attribuer? Finalement, être le manager du patronat, c'est faire exploser les barrières et faire progresser tout le monde comme dans une entreprise.

L'identité patronale n'échappe pas à la règle, il faut accepter la diversité. Et puis ne faut-il pas se remettre en cause ? Ou, du moins, et c'est le moment à la veille de l'année nouvelle, prendre des bonnes résolutions. Eh bien oui, enrichir davantage nos salariés, se poser vraiment la question de la décence salariale, ne pas renier le stress qui menace nos équipes?

Ne pas éluder les sujets quels qu'ils soient, ne pas laisser la chaise vide, comme, par exemple, en matière de dialogue social dans les TPE, en laissant l'Etat décider? donc légiférer ! Et la représentativité patronale ? Pourquoi cinq syndicats salariés "représentatifs" et trois instances patronales ? A vouloir représenter tout le monde, on ne représente plus personne. Prendre les problèmes de société en compte est certes nécessaire, mais pas suffisant. Le Medef n'est pas un observatoire, et le dialogue ne se résume plus à une conversation au plus haut niveau, de surcroît confisquée. Le rôle du Medef n'est plus de parler au nom des patrons mais de donner la parole aux patrons !

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Commentaire 1
à écrit le 10/01/2010 à 13:39
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"La diabolisation de la mondialisation est morte de sa belle mort, prise de vitesse par le constat d'une réalité." La prise conscience de la réalité est effectivement datée, l'automne 2008 avec l'effondrement de la finance mondialisée, l'interventio...

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