Renforcer les fonds propres des PME  ? Chiche  !

Par Amaury Nardone, de l'Institut Thomas More, avocat associé au sein du cabinet Delsol.

Le président de la république a regretté, lors de son intervention à Marignane, que "moins d'un quart de l'épargne s'oriente vers le marché des actions" et a souhaité attirer de "nouveaux fonds". Il avait fait de même en 2009 en annonçant deux mesures pour le renforcement des fonds propres des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) françaises : la souscription par le Fonds stratégique d'investissement (FSI) d'obligations convertibles émises par les PME et les ETI et la mise en place de prêts participatifs par Oseo. L'Etat a pourtant d'autres leviers pour renforcer, réellement, les fonds propres des entreprises industrielles.

Particulièrement le levier fiscal. En cela, l'expérience du dispositif de réduction d'ISF mis en place par la loi Tepa a prouvé son efficacité. Un contribuable soumis à l'ISF peut déduire du montant de son impôt 75% des sommes investies au capital d'une PME (ou d'un holding dédié), jusqu'à concurrence de 50.000 euros, soit l'équivalent d'un investissement de 66.666 euros. Si l'on s'en tient aux chiffres publiés en 2009 par le ministère du Budget, cette mesure aura en réalité permis de mobiliser près de 1 milliard d'euros d'investissements nouveaux dans nos PME : 520 millions d'euros par souscriptions directes au capital, 440 millions d'euros via des holdings ou des fonds.

Si l'on compare, de façon audacieuse certes, ce montant à celui du total de l'ISF collecté (3,13 milliards d'euros), on peut en déduire que cette mesure a eu un incroyable effet de levier puisque, pour 3 euros d'impôt, 1 euro a été injecté directement dans les fonds propres des PME. Entre 100% perdus dans les caisses de l'Etat, et 25% risqués au capital d'une entreprise, les contribuables font très vite leur choix.

Quel autre impôt, corrélé par nature à l'activité de nos PME, pourrait donc légitimement servir de base à un dispositif aussi efficace ? L'impôt sur le revenu (IR), bien entendu. Pourquoi donc l'IR ne bénéficierait-il pas d'une mesure strictement identique ? Le dispositif actuel est ridiculement étriqué : 25% de crédit d'impôt seulement, soit trois fois moins. Au lieu d'être la carotte qui fait avancer l'âne, c'est au mieux la cerise sur le gâteau. Cela ne détermine pas la décision d'investir. Au final, ce sont des sommes marginales investies en fonds propres au regard d'un impôt qui a rapporté en 2009 plus de 50 milliards à l'Etat.

Rêvons un peu. Le dispositif prévu pour l'ISF se trouverait applicable à l'IR : les dirigeants de PME et d'ETI pourraient utiliser leur propre impôt sur le revenu pour renforcer leurs fonds propres. Aujourd'hui, leur outil professionnel étant exonéré (à juste titre) de l'ISF, le dispositif actuel ne leur est d'aucune utilité. Les salariés de ces entreprises, qui sont tous ou presque soumis à l'IR, deviendraient immédiatement demandeurs de solutions de souscription au capital des PME. Ils les trouveraient évidemment d'abord dans leurs propres entreprises, qui mettraient en place, y compris dans les TPE, des dispositifs d'actionnariat salarié. Les retraités, qui sont presque tous à l'IR, chercheraient également des solutions de ce type. Ils viendraient, par exemple, plus facilement alimenter la "love money" auprès de leurs enfants ou petits-enfants.

En fait, une telle mesure aurait deux conséquences très positives - et parfaitement en ligne avec les objectifs du chef de l'Etat. D'une part, une augmentation très sensible des fonds propres des entreprises. Si l'effet de levier atteint seulement le tiers de celui de l'ISF, ce sont près de 5 milliards d'euros qui viendraient, chaque année, renforcer les capitaux propres des PME et leur ouvriraient plus facilement le recours à l'emprunt bancaire. D'autre part, la naissance d'un véritable actionnariat populaire, l'impôt sur le revenu étant payé par environ 18 millions de contribuables. Actionnariat certainement moins enclin à délocaliser...

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Commentaires 2
à écrit le 09/03/2010 à 15:04
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Tout à fait d'accord aveec Mathieu! Si les français n'aiment pas le capitalisme, c'est parce qu'ils n'en bénéficient des effets qu'à la marge, et surtout qu'ils n'y participent pas!

à écrit le 09/03/2010 à 10:23
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Si je le pouvait, j'applaudirait des 3 mains. Je n'en ai que 2. Voila en tout cas quelque chose d'éminement cohérent. Il n'est pas judicieux que l'épargne française soit dirigée essentiellement vers l'état, vers l'immobilier ou vers des grandes entre...

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