"La politique doit retrouver sa primauté sur les marchés qu'elle n'a plus"

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Angela Merkel n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer l'attitude des banques et des marchés dans la crise grecque. Sur un plateau de télévision, jeudi, la chancelière allemande a qualifié les banques de "perfides" et jugé que les politiques étaient engagés "dans un combat" contre les spéculateurs. "La politique doit retrouver sa primauté sur les marchés qu'elle n'a plus", a-t-elle martelé, relayant ainsi les propos tout aussi combatifs du Premier ministre espagnol José Zapatero ou de la ministre de l'Economie Christine Lagarde.

Il y a plusieurs façons de lire les déclarations d'Angela Merkel, plus prompte à défendre la discipline budgétaire que de s'attaquer à la finance. Elles intervenaient tout d'abord à trois jours d'un test électoral majeur pour le gouvernement fédéral. "Elle tente de calmer le jeu sur la question de l'aide à la Grèce mal acceptée par l'opinion publique et la classe politique", juge Gerd Langguth, politologue à l'université de Bonn. Mais ces propos peuvent être également compris comme un aveu, sinon d'incompréhension, du moins de désarroi des politiques face aux marchés. Triste anniversaire pour le soixantième anniversaire de la construction européenne !

Pour le politologue Dominique Reynié, l'Europe se trouve dans une "situation inédite et préoccupante". La crise démontre, selon lui, une incapacité politique à agir pour défendre les intérêts des européens face à la mondialisation, ce qui était pourtant la promesse portée par Robert Schuman en 1960 ("avec la volonté politique, l'Europe peut faire face aux crises qu'elle traverse").

La crise financière devait signer le grand retour du politique. Il semble que les jeunes traders dictent toujours leur loi. Une situation que déplore Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF). "Le politique ne peut pas accepter que la main invisible des marchés sape la construction politique de la monnaie unique", souligne le régulateur. "Ces dernières années, les Etats ont sans doute perdu le contrôle du fonctionnement des marchés, reconnaît-il, c'est le devoir des Etats, et donc des régulateurs qui en dépendent d'inverser la tendance."

L'économiste Michel Aglietta dresse le même constat : "la dérégulation a confisqué une partie du pouvoir des Etats au profit des intermédiaires financiers. L'Etat doit reprendre sa place, c'est-à-dire définir des règles pour éviter toute situation oligopolistique et toute prédation sur l'économie". Et de constater un vrai changement de point de vue dans l'opinion et la classe politique par rapport à l'idéologie du laisser-faire.

Pour autant, les politiques ne doivent pas dissimuler leurs propres faiblesses derrière l'épouvantail de la spéculation. Dominique Reynié rappelle que les politiques n'ont pas été au bout de la logique de l'euro et que la crise grecque révèle avec "force ce grand malentendu". Pour l'économiste de marchés Maurice de Boisséson, ce sont les politiques qui n'ont pas compris "la vraie nature de la crise" et les marchés ne font que confronter l'Europe avec la réalité du monde. C'est, à ses yeux, le sens véritable du message d'Angela Merkel. En clair, "c'est aux Etats d'être suffisamment vertueux pour ne pas donner prise aux marchés".

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Commentaire 1
à écrit le 10/05/2010 à 8:04
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Je ne vois pas pourquoi vous dites que Angèla Merkel est plus prompte à défendre la discipline budgétaire que la finance ? Un chef d'Etat de cet acabit ne peut pas considérer que les finances on moins d'importance qu'un budget puisque c'est un tout -...

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