"A l'avenir, il faudra une croissance mondiale plus équilibrée et plus durable"

Chaque semaine, La Tribune décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.

De passage à Berlin au retour de sa visite officielle à Pékin, le secrétaire d'Etat américain au Trésor, Timothy Geithner, affirmait : "à l'avenir, il faudra que la croissance mondiale soit plus équilibrée et plus durable." A première vue, rien de très nouveau. Il s'était exprimé dans les mêmes termes lors du G20 de Pittsburgh, en septembre 2009. "Très tôt, la crise a fait prendre conscience de la nécessité d'une gestion plus coopérative de l'équilibre macroéconomique mondial, dit Florence Pisani, chez Dexia Asset Management. Dans un monde financier globalisé, tous les gouvernements ne peuvent réduire rapidement et en même temps leurs déficits. Les politiques nationales devront désormais être collectivement cohérentes." "A quelques semaines du G20 canadien, les Américains prennent donc le leadership de la coordination des politiques économiques, et jouent le jeu en privilégiant leur croissance sur la réduction de leurs déficits", dit aussi Jean Pisani-Ferry, de l'Institut Bruegel.

Seulement, une lecture plus attentive au contexte de ces propos en change peut-être le sens. Car depuis Pittsburgh, les choses ont bien changé. Primo, l'injonction au gouvernement allemand a été prononcée au retour d'un sommet sino-américain dont Washington attendait beaucoup. Tim Geithner espérait que son approche toute diplomatique lui permettrait d'obtenir un geste en faveur de la réévaluation du yuan ? "Avec les deux cents hauts responsables politiques américains, il est reparti bredouille, tant sur la question du yuan que sur la montée des risques en Corée du Nord !", constate l'économiste Antoine Brunet. Geithner affirmait que la crise européenne aurait peu d'effets sur le reste du monde ? Le vice-Premier ministre chinois, Wang Qishan, lui a rétorqué vertement que, par ses effets en chaîne, la crise de la dette publique en Europe menaçait gravement la reprise mondiale. Entendez : votre problème, aujourd'hui, ce n'est pas le yuan, c'est l'Europe !

De facto, si les Etats-Unis vont objectivement mieux - la croissance atteindra 3,2% en 2010, selon l'OCDE -, Washington doute du caractère durable de cette reprise. D'abord, la chute accélérée de l'euro contre le dollar, qui pénalise déjà les exportations américaines, jointe à la baisse des dépenses publiques dans nombre de pays européens, vient contrecarrer le scénario de sortie de crise sur lequel tablait l'administration Obama. "Elle craint que le déficit avec l'Europe ne se substitue au déficit avec la Chine", dit Jean Pisani-Ferry. Avec, en toile de fond, l'inquiétude qu'une rechute de la croissance américaine braque les projecteurs sur l'ampleur de ses déficits publics, alors que le gouvernement n'a pour l'instant aucune stratégie de réduction de ses déficits.

"Il faut une croissance durable et équilibrée." Ce n'est plus une injonction, mais l'appel à l'aide d'un pays pris de doute et qui assiste, impuissant, à l'effritement de son leadership en faveur d'une Chine qui dicte son tempo au reste du monde.

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