"On peut être grand quand on a 17 ans ! "

Chaque semaine, Hélène Fontanaud, journaliste au service France de "La Tribune", propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant la prochaine élection présidentielle. Aujourd'hui : le "péril" jeune.

C'était le 3 septembre 2006, autant dire dans cette époque où tout va trop vite en "un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître". Exhumée par le génie tactique d'Henri Guaino, plume du candidat UMP, la lettre de Guy Môquet, ce lycéen communiste de 17 ans et demi, exécuté par l'occupant allemand le 22 octobre 1941, faisait son entrée au panthéon personnel de Nicolas Sarkozy. Lors de son discours d'investiture, le 14 janvier 2007 à la porte de Versailles, le futur chef de l'État dressait le portrait de la France qui "a 17 ans et le visage de Guy Môquet quand il est fusillé". Une fois élu, Nicolas Sarkozy décidait de faire lire les derniers mots du jeune résistant chaque 22 octobre dans les lycées français.

Trois ans, une crise économique et un mouvement social plus tard, les lycéens sont fermement invités par l'Élysée et la majorité à ne pas descendre dans la rue pour manifester contre la réforme des retraites. Et l'éternelle polémique s'engage sur la question de savoir si les jeunes se sont mobilisés de leur propre chef contre un projet gouvernemental ou s'ils sont manipulés par des partis de gauche et d'extrême gauche. L'UMP s'est ainsi saisie avec gourmandise d'une déclaration de la socialiste Ségolène Royal appelant les lycéens à manifester "de façon pacifique". Notons que le débat ne sera pas davantage tranché en 2010 qu'en 2007 lors des mobilisations contre la réforme des universités ou qu'en 2006 lors du mouvement contre le CPE. Sans parler des révoltes précédentes.

Ou plutôt si, parlons-en. Car pendant la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait aussi annoncé son intention de "liquider l'héritage de mai 1968". Pour la droite française, ce mouvement étudiant qui fit trembler le général de Gaulle reste l'épouvantail absolu. Les photos des barricades du Quartier latin, la "chienlit", sont toujours dans l'imaginaire de la majorité un puissant argument de mobilisation de l'électorat de droite.

Pour l'extrême gauche, en revanche, la révolte des Trente Glorieuses reste un mythe. Mercredi, c'est le leader du NPA, Olivier Besancenot, qui a appelé à "un mai 1968 du XXIe siècle". On a du mal à y croire. Plusieurs décennies de chômage de masse, une individualisation croissante de la société, l'effondrement de l'idéologie marxiste ont produit une génération que Martine Aubry a qualifiée jeudi soir de "responsable". Pour François Hollande, il s'agit plutôt d'une "génération sacrifiée". L'ancien patron du PS veut faire de la jeunesse le thème central de la présidentielle de 2012 et préconise des mesures d'urgence sur l'éducation, l'emploi et le logement. "Vous finirez tous notaires !" avait ironisé Jean-Paul Sartre face aux grévistes de la Sorbonne il y a 42 ans. "Vous finirez tous précaires ! " voilà le cri qu'on pourrait lancer aujourd'hui aux jeunes manifestants.

Car il y a un constat qui devrait presque inspirer le silence aux responsables politiques : fin juin 2010, Pôle emploi comptait 641.800 inscrits de moins de 25 ans, en hausse de 2,6% par rapport à l'année précédente. Et les jeunes insérés dans l'emploi sont surreprésentés dans la précarité, dans les stages, les CDD et les intérims. Ils sont une variable d'ajustement très forte pour les entreprises, selon Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. Trente ans de "plans pour l'emploi des jeunes" n'ont pas changé la donne. Voilà pourquoi aujourd'hui, même dans les monômes lycéens - et pour faire mentir Rimbaud -, on peut être sérieux quand on a dix-sept ans.

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