Les nouvelles réalités du "made in"

Si la crise pousse le consommateur à privilégier le critère prix dans ses achats, il s'interroge toujours sur l'origine des produits. Une meilleure information est nécessaire.
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Longtemps, il a semblé acquis que la mondialisation triomphante allait définitivement standardiser nos modes de consommation. Le chariot du ménage X devait ressembler toujours plus à celui du ménage Y, l'origine et les processus de fabrication des produits n'ayant plus aucune importance. Le mouvement, encore timide, qui semble se dessiner, va dans une tout autre direction, celle de la différenciation. La mention d'un pays ou d'un terroir est plus valorisante que jamais. En témoignent les stratégies locales de certains groupes mondiaux, qui étalent dans la presse leurs slogans « 100 % made in France » ou « made in France avec fierté ». En témoigne aussi, de manière moins spectaculaire, la floraison de labels géographiques nationaux ou infranationaux, d'allégations diverses sur la traçabilité des produits.

Faire ce constat, ce n'est pas méconnaître les réalités de la mondialisation et de la division internationale du travail, bien au contraire. L'origine n'a jamais eu autant de valeur, alors même que la valeur n'a jamais eu autant d'origines, comme l'écrit très justement Denis Gancel, le président de l'agence W & Cie qui publie chaque année un baromètre de la « marque France ». Et de fait, à l'échelle des États, nombreux sont les gouvernements qui s'organisent pour redéfinir ou porter plus haut leur marque pays. La Chine investit massivement dans une stratégie de communication afin d'associer son nom aux valeurs positives de la modernité, de la technologie et même du développement durable. L'Italie et la Suisse ont déjà engagé la réforme des conditions d'usage de leurs « made in » respectifs.

Au niveau de l'entreprise, les enjeux sont multiples. Il s'agit bien sûr de lutter contre l'usurpation d'origine et les mentions frauduleuses. Mais aussi, bien davantage encore, de la protection des consommateurs, le plus souvent privés d'informations fiables en matière de traçabilité, livrés à leurs interrogations ou soupçons sur les circuits de fabrication. La traçabilité de l'origine, c'est-à-dire une certaine forme d'empreinte emploi, est encore plus balbutiante. Elle constitue, pourtant, la prochaine étape vers la transparence qu'attendent de nombreux consommateurs.

Certains observateurs voudraient réduire cette évolution à une forme d'hypersensibilité momentanée du consommateur qui est aussi un actif touché par la crise. Il y a bien sûr ce paradoxe : les difficultés actuelles rendent le « facteur prix » plus important encore qu'en période de croissance et, malgré tout, les considérations éthiques et sociales - nos emplettes sont nos emplois - semblent aussi prendre de l'importance.

Pourtant, la conjoncture n'explique pas tout. En matière d'information du consommateur, nous sommes arrivés au milieu du gué. Parce que les produits circulent toujours plus facilement, le consommateur souhaite légitimement disposer de repères de meilleure qualité, d'une traçabilité plus fiable qui, sauf exceptions sectorielles, n'existe pas. Les allégations commerciales relatives à l'origine sont elles-mêmes très peu encadrées. Les lois de protection du consommateur de la fin des années 1970 ont été démantelées progressivement depuis quinze ans. Ne disqualifions pas trop vite le débat sur le « made in » : l'alternative à une mondialisation opaque - où le consommateur ignore à peu près tout des processus de fabrication - n'est pas un protectionnisme étriqué qui ne correspondrait pas davantage aux attentes de l'acheteur qui veut avoir le choix. La France plaide désormais à Bruxelles, avec plusieurs de ses partenaires européens, pour une extension progressive de l'étiquetage d'origine à d'autres produits que les quelques catégories de produits aujourd'hui concernées. En outre, de nombreuses fédérations et entreprises ont accepté de s'engager dans une réflexion sur une labellisation volontaire, mais certifiée et transparente, qui réponde aux insuffisances d'un « made in France » mal défini et rarement contrôlé. Ces orientations n'ont certes pas vocation à résoudre tous les problèmes de la désindustrialisation ou du dumping social, mais elles constituent sans doute des axes de progrès pour la valorisation de productions et de savoir-faire comme pour la bonne information du consommateur.

(*) Vice-président du Parti radical et ancien ministre, auteur du rapport « En finir avec la mondialisation anonyme : la traçabilité au service des consommateurs et de l'emploi ».

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