Le FBI à Wall Street

Par Eric Benhamou, éditorialiste à La Tribune.
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La découverte, le week-end dernier, d'un vaste réseau organisé d'« insider trading » (délit d'initié) à Wall Street a bien évidemment mis en émoi la blogosphère financière. Les désabusés ont pris leur plus belle plume pour ne s'étonner de rien ou réaffirmer qu'il y a bien quelque chose de pourri au royaume des marchés. Henry Blodget, l'influent patron du site Business Insider, ne cache pas son amertume dans un édito au vitriol publié par Huffington Post. « Le seul enseignement que devraient tirer la plupart des investisseurs du plus grand scandale de délit d'initiés de l'histoire est que la compétition sur les marchés financiers est devenue tellement intense que cela n'a plus aucun sens d'y aller », clame l'ancien analyste vedette de Merrill Lynch. En principe, explique-t-il, le marché est un jeu à somme nulle où chaque investisseur tente de battre la compétition avec ses armes, ses informations. Le problème, c'est que tous les investisseurs disposent de la même information et qu'il est devenu de plus en plus difficile de faire la différence. Et surtout, la majorité des investisseurs, poursuit-il, ne comprennent pas qu'ils sont en compétition avec des concurrents qui disposent de millions et de millions de dollars pour traquer toutes les informations confidentielles, celles qui ne sont jamais publiées ou qui n'apparaissent jamais sur les écrans ou les graphiques. Un jeu inégal donc à somme nulle. On se demande d'ailleurs si la SEC et le FBI ne partagent pas cette analyse. La mise en scène des perquisitions, la théâtralisation même de la fraude, doit donc frapper les esprits. « La SEC, sous Mary Schapiro, semble n'avoir aucune illusion sur l'éthique des financiers et ceux-ci continueront leurs ?mauvaises habitudes?, sauf s'ils se sentent menacés. C'est un message de ?tolérance zéro? pour ces fraudes », commente ainsi le banquier Georges Ugeux sur son blog « Démystifier la finance ». Et, ajoute Felix Salmon, blogueur de Business Insider, les arrestations version FBI sont destinées à effrayer tous les employés des banques ou des fonds concernés par l'enquête et leur montrer qu'ils ont vraiment intérêt à coopérer. De fait, aux États-Unis, on ne plaisante pas avec le délit d'initié : c'est pénal et directement à la case prison. Toutefois, soulignent nombre d'observateurs, ce type de délit est très difficile à prouver. Et selon le site spécialisé Integrity Research, le délit d'initié est davantage caractérisé aux États-Unis par la jurisprudence que par la réglementation boursière et, en la matière, la jurisprudence évolue sans cesse. Bref, après la tempête médiatique, Felix Salmon s'attend, comme toujours, au retour du « business as usual ». Cela tombe bien car pour Barron's, « le marché obligataire n'est plus un coin sûr où se cacher ! » La crise de la dette souveraine va peut-être permettre aux actions de retrouver les faveurs des investisseurs. Elle aura au moins permis, selon cette blague qui tourne de post en post, « miraculeusement aux investisseurs américains d'apprendre quelques notions de géographie ». Plus sérieusement, elle pourrait mettre fin à l'étrange corrélation entre les marchés obligataires et actions, comme le remarque Whitney Kisling dans un intéressant article publié sur Bloomberg.fr

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