France Télévisions, trois ans après

Depuis l'annonce en 2008 de la suppression de la publicité sur France Télévisions, le groupe a pour l'heure échappé à l'étranglement financier. Mais le chemin à parcourir pour adapter la télévision de service public au nouveau paysage audiovisuel à l'ère numérique reste long.
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8 janvier 2008 : Nicolas Sarkozy annonce, sans prévenir, durant une conférence de presse, qu'il veut la "suppression de la publicité sur les chaînes publiques". Un an plus tard... 5 janvier 2009 : la publicité disparaît des chaînes publiques après 20 h 30 et sa suppression définitive est programmée en 2012. 4 janvier 2010 : début d'une vaste réorganisation du groupe France Télévisions. Les personnels des chaînes sont regroupés dans une entreprise unique et un organigramme revu de fond en comble commence à se déployer. Janvier 2011 : aucun bouleversement majeur à signaler. Depuis fin août, le nouveau PDG, Rémy Pflimlin, met en place sa nouvelle équipe. Dans Le Monde daté du 4 janvier, il dit avoir "travaillé d'arrache-pied pour aborder cette nouvelle année en ordre de bataille". Selon lui, "la séquence ouverte le 8 janvier 2008 est parvenue à son point d'aboutissement". Pour aboutir à quoi ?

Force est de constater que, quelles qu'aient été les arrière-pensées qui l'ont motivée, la réforme sur la publicité est arrivée à point nommé. La multiplication de chaînes sur la TNT réduisait la part de gâteau publicitaire de chaque acteur et une grave récession publicitaire a touché les télévisions en Europe en 2009. Grâce à la compensation de l'arrêt de la publicité par le budget de l'État et à la bonne tenue de la publicité en journée, France Télévisions a pu traverser la période à ressources quasi stables, sans accumuler les 400 millions d'euros de pertes jusqu'en 2012 prévues par le plan de 2009. Et même financer de nouvelles priorités, comme la TNT outre-mer. Avec un an d'avance, le budget 2011 prévoit le retour au bénéfice net. De 2007 à 2011, les recettes brutes progressent en moyenne de près de 2%.

A 2,91 milliards de ressources, le budget 2011 est certes en repli de 1% par rapport à 2010. Mais, avec la fin de l'analogique, le groupe a déjà réduit le coût technique de la diffusion. L'entreprise unique dégage ses premières économies, par exemple dans les achats. Et le groupe a au moins trois ans de visibilité sur ces ressources : jusqu'en 2014, quand se profilera l'arrêt total de la publicité en journée en 2016, question que l'Assemblée nationale a tenté en vain d'écarter définitivement lors de la récente discussion de la loi de finances.

Sans que cela soit l'aisance, le groupe a échappé à l'étranglement anticipé en 2009. Pour les finances publiques en revanche, la réforme aura coûté, de 2008 à 2011, 1,3 milliard d'euros en dotations. Et pour le contribuable, malgré le refus de façade de l'augmentation de la redevance, l'indexation sur l'inflation a fait passer cette dernière de 116 euros en 2008 à 123 euros en 2011.

Financer très majoritairement sur fonds publics une télévision publique a, après tout, le mérite de la cohérence. A condition d'avoir une idée claire du service à rendre aux citoyens téléspectateurs. C'est là que la réforme a encore tout à prouver. La question clé du rôle de France 3 et de la télévision publique en régions a été éludée. Débarrassées de l'impératif des recettes commerciales, les antennes se sont orientées, sous l'ère du précédent PDG Carolis, vers une offre plus "culturelle". Le retour d' "Au théâtre ce soir" et d' "Apostrophes", c'était l'alibi de l'Elysée pour la réforme. Une vision datée. Depuis, la télévision a trouvé d'autres formes d'expression. Les séries se révèlent le genre télévisuel où s'expérimentent de nouvelles écritures, capables de rivaliser avec le cinéma, où toutes les questions de société et d'actualité peuvent être abordées. A voir l'audience catastrophique d'une soirée d'opéra en prime time, une grande télévision populaire qui veut toucher "tous les publics" comme le martèle Rémy Pflimlin, ne peut s'en tenir à cette culture pour quelques-uns, même si elle peut s'autoriser des prises de risque.

La réforme met-elle les chaînes publiques en meilleure position pour relever les défis du rajeunissement de l'audience, du numérique, de la prolifération des écrans et des réseaux ?... Pour unifier leurs systèmes d'information, harmoniser les statuts des personnels, réduire le nombre d'instances représentatives à consulter pour tout changement, il faudra encore au moins dix-huit mois. En attendant, l'agilité, plus que jamais nécessaire mais difficile dans un groupe de plus 8.000 salariés, continuera à faire défaut. La réforme a aussi alourdi certains engagements, car l'Etat assigne à France Télévisions un rôle de soutien à la prospérité d'un tissu diversifié de sociétés de production. Tirer le meilleur parti de ces contraintes, tout en répondant aux exigences de programmes au service du public, reste un exercice délicat.

Même si le groupe n'est plus au centre de l'attention politique et médiatique, les prochains mois ne seront donc pas un fleuve tranquille. L'heure du bilan du coup de tonnerre du 8 janvier 2008 est encore lointaine.

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