Succès d'une monnaie unique : les leçons américaines

Si les Etats-Unis et la zone euro ont chacun une monnaie unique, seule la devise européenne craint pour son avenir. De l'expérience monétaire américaine, plusieurs leçons peuvent être tirées : la nécessité d'une mobilité du travail et d'un fédéralisme budgétaire.
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Les Etats-Unis et l'Europe sont deux espaces de libre-échange gigantesques. Tous deux sont riches, mais tous deux font face à de graves problèmes à court terme, et à d'immenses défis à long terme. Ils sont aussi deux zones à monnaie unique : le dollar et, pour la plupart de l'Europe, l'euro. Pourtant, seule la zone monétaire européenne peut craindre pour son avenir ; les Etats-Unis ne sont pas confrontés à une crise existentielle de leur monnaie. Les similitudes et différences des deux puissances économiques peuvent donner une idée des raisons pour lesquelles - et comment - la zone euro peut survivre aux crises de sa périphérie et devenir une zone monétaire stable. La mobilité du travail des régions pauvres vers les régions riches permet d'amortir des chocs économiques différenciés. L'autre amortisseur naturel, la dépréciation de la monnaie, qui augmente la compétitivité dans la région la plus durement touchée, disparaît évidemment en cas de monnaie unique. L'ajustement économique est doublement difficile lorsque le travail n'est pas suffisamment mobile pour aider à aplanir les contractions régionales du revenu et de l'emploi.

La langue est sans doute la composante culturelle de la mobilité du travail la plus importante. Pour les citoyens de la zone euro qui ne parlent pas une langue majeure, en particulier l'anglais, la mobilité transfrontalière au sein de l'union monétaire est pour le moins limitée. En outre, la diversité entre pays européens est de loin plus importante qu'entre États américains. Conséquence : lorsque la Californie s'effondre, ses habitants se déplacent simplement vers les Etats des montagnes. Ce modèle est bien moins répandu en Europe. Aux Etats-Unis, il a diminué la disparité de revenu par habitant (aujourd'hui à environ 40%) entre les Etats les moins riches et les Etats les plus riches, grâce à l'ajustement continu du travail et du capital qui se déplace vers les régions à plus haute productivité. Les écarts de productivité et de revenu par habitant au sein de la zone euro sont bien plus importants, ce qui rend la mobilité encore plus cruciale.

Aux Etats-Unis, le poids global de la fiscalité au niveau des Etats est moins de la moitié ce qu'il est au niveau fédéral. Les citoyens vivant dans des États différents ont un budget national commun, alors que ceux de la zone euro font l'expérience de différences radicales en matière budgétaire et fiscale. Cette absence de budget commun est le problème principal de la zone euro. Pour que l'euro survive, des contraintes beaucoup plus fortes, assorties de sanctions sérieuses et applicables, doivent être imposées concernant les positions budgétaires acceptables et leur transparence.

L'euro peut survivre. Ceux qui le voient comme un échec doivent se souvenir qu'il n'a que dix ans. Les États-Unis, eux aussi, ont connu des moments difficiles en tant qu'union monétaire, depuis le chaos originel avant la Constitution, jusqu'au conflit entre les intérêts agricoles et bancaires à propos de l'étalon or à la fin du XIXe siècle. Les pays de la zone euro doivent d'abord régler la crise de la dette souveraine, réduire leurs déficits et renforcer le système bancaire, terriblement sous-capitalisé. Cependant, si la zone euro veut survivre et prospérer au-delà de la crise actuelle, elle aura également besoin de vastes réformes structurelles destinées à stimuler la mobilité interne du travail et à désamorcer les pressions causées par les ajustements économiques au sein des nations et des régions. Plusieurs questions restent ouvertes, notamment de savoir si les politiciens proposeront les réformes du marché du travail, de la fiscalité, et les autres réformes nécessaires à l'amélioration de la mobilité, et si ces réformes seront suffisantes pour dépasser les barrières linguistiques et culturelles. Malgré les avantages considérables d'une monnaie unique (transparence des prix, coûts de transactions plus faibles et ancrage crédible de l'inflation...), la difficulté de la gestion macroéconomique d'économies aussi différentes apparaît aujourd'hui plus fortement que jamais. L'euro a toujours été un pari risqué, une expérience ambitieuse. Historiquement, les efforts de création d'unions monétaires se sont parfois effondrés, et ont parfois survécu à de multiples crises. Le futur de la zone euro peut être gris, mais il ne sera pas ennuyeux.

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Commentaires 3
à écrit le 06/02/2012 à 2:23
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L'Union européenne est un ramassis de bric et de broc, un galimatias de première grandeur. Deux athlètes dominent la course, suivis par une kyrielle d'Etats-nations handicapés . Cette charrue à chiens ne peut avancer. C'était prévisible.

le 06/02/2012 à 5:46
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Vous n'incluez pas la France dans l'expression "deux athlètes"? J'espère.....

à écrit le 29/12/2011 à 21:10
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Mme Merkel, L'auteur dit bien "la nécessité d'une mobilité du travail " et non mobilité de la main d'oeuvre.

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