Du Salon de l'agriculture dans notre G20...

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef Éditoriaux et opinions
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Le Salon "international" de l'agriculture 2011 ouvre demain pour une semaine porte de Versailles, le week-end même où se tient à Paris la première réunion des ministres des Finances du G20... Hasard des calendriers qui nous rappelle que la France reste l'une des premières puissances agroalimentaires du monde. Et qu'elle joue avec sa présidence du G20 une partie très délicate. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les réactions hostiles des États-Unis et du Brésil, principaux exportateurs agricoles du monde, contre les propositions de Nicolas Sarkozy de réguler les prix alimentaires. Toute mesure visant à sortir du marché pourrait avoir des effets négatifs en freinant l'offre, a prévenu mardi Guido Mantega, le ministre des Finances brésilien. Qui a renvoyé la balle dans le camp des pays riches en les enjoignant d'éliminer les subventions qu'ils octroient à leurs produits agricoles. Ce dialogue de sourds, semblable à celui qui règne depuis longtemps déjà au sein de l'Organisation mondiale du commerce, risque bien de briser les ambitions réformatrices de la France en matière agricole. Il y a une semaine, sur TF1, devant un jeune et brillant agriculteur bio de 33 ans, Mickaël Poillion, Nicolas Sarkozy ne s'est-il pas engagé à défendre le maintien des aides de la politique agricole commune, affirmant sa conviction que l'agriculture française a un avenir brillant dans un monde où il faudra nourrir 9 milliards d'hommes dans quarante ans.

 

À vrai dire, ce week-end, les questions agricoles ne seront pas au centre des discussions. La vraie vedette sera Dominique Strauss-Kahn, dont l'intervention télévisée sur France 2 dimanche soir devra au moins égaler l'audience de Nicolas Sarkozy sur TF1 il y a une semaine. Un test présidentiel avant l'heure, même si, sur le fond, le sujet sur lequel vont s'écharper les grands argentiers du G20 ce week-end n'a pas de quoi séduire l'opinion. Les ministres des Finances vont tenter de définir quels sont les bons indicateurs d'alerte des grands déséquilibres macroéconomiques mondiaux : les soldes courants, les taux de change réels, les déficits budgétaires et la dette, les réserves de change et le niveau de l'épargne privée ? À la table du G20, tout le monde reconnaît bien volontiers la validité, théorique, de ces indicateurs, mais personne n'est prêt à accepter que l'on prenne en compte celui qui les montre du doigt. La Chine ne veut ainsi pas entendre parler de la proposition américaine de fixer une limite chiffrée à 4 % du PIB pour le déséquilibre des comptes courants. Les pays émergents, qui accumulent des réserves de changes considérables, refusent de se laisser dicter la conduite à tenir en la matière par des pays développés qui, de leur côté, n'ont guère de leçons de bonne gestion à donner compte tenu de l'état de leurs finances publiques.

 

Avoir des indicateurs d'alerte, c'est bien, mais sans limite chiffrée, qui aura l'autorité suffisante pour transformer cette surveillance multilatérale en action ? On peut aller droit vers une crise majeure en klaxonnant, comme cela a été le cas avec les subprimes aux États-Unis, si personne ne peut dire "stop", cela ne résout rien. Or, le FMI n'est pas armé pour dire aux États-Unis ou à la Chine que leur politique conduit le monde à sa perte. Le rôle du G20 est de pousser à corriger des déséquilibres, mais pas de dicter sa politique à tel ou tel pays, a tempéré, vendredi, Christine Lagarde. C'est la limite du raisonnement. Malgré les progrès de la gouvernance mondiale, nous vivons dans un monde de plus en plus fractionné. Et qu'il s'agisse de monnaie, de climat ou d'agriculture, le G3 (Amérique, Europe, Asie) organisé en grands blocs de force égale se neutralise plus qu'il ne cogère la planète dans un intérêt commun.

Dans un tel monde, l'agriculture française semble mal partie. Et face à tous les hommes politiques qui vont venir au cours du week-end flatter les vaches laitières, les agriculteurs français en sont réduits à écouter le nouveau président de la FNSEA, Xavier Beulin, premier céréalier élu à la tête de la puissante fédération, parler d'un agriculteur-acteur, qui n'attend plus tout de l'aide de l'État. Un agriculteur-acteur qui rencontrerait une tendance nouvelle de l'après-crise, celle du consommateur-acteur. La nouvelle mode, en agriculture, après le bio, est le locavore, celui qui consomme en priorité ce qui est produit localement. Une réponse aux excès de la malbouffe et de l'agriculture intensive et mondialisée, sans doute promise à un grand avenir.

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