La gauche n'a pas le monopole de la lutte contre la pauvreté

Par Elisabeth Bergé-Suet, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi, administrateur de l'Acoss.
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Selon Voltaire, il est plus facile de désagréger un atome qu'un préjugé. A quel titre certains prétendent que la réflexion et l'action politique en faveur de la lutte contre la pauvreté reviendraient à la gauche et que la moindre tentative de la droite de prendre en considération ce sujet relèverait de démagogie politique ? Il est toujours souhaitable que la réflexion sur les grands enjeux de la société française ne soit pas uniquement confiée à des intellectuels mais également à des acteurs économiques et sociaux responsables.

En effet, chaque entreprise, pour réussir économiquement, se doit de vérifier au quotidien un certain nombre d'indicateurs : ses recettes, ses dépenses, ses prévisions de rentrées de chiffre d'affaires... A la moindre alerte, elle prend immédiatement les bonnes mesures pour anticiper les événements. La gestion au quotidien de l'entreprise l'amène à être réactive et à définir les stratégies qui s'imposent selon les situations qui se présentent. Ainsi, comme l'a démontré, à juste titre, Darwin : ce ne sont pas les plus intelligents qui survivent, ce sont ceux qui savent s'adapter.

Les chiffres de la pauvreté, au printemps 2011, sont frappants et doivent conduire les décideurs politiques à une réelle prise de conscience. On compte, environ, 4,3 à 7,8 millions de pauvres. Le seuil de pauvreté représente 50% du revenu médian (fixé à 791 euros). En 2008, 25% des salariés gagnaient moins de 750 euros par mois. Cette année, ce chiffre sera encore à la baisse. Plusieurs indicateurs relatifs à la pauvreté révèlent que la situation en 2011 est préoccupante : le taux de pauvreté est plus important, le taux d'endettement a augmenté de plus de 15%, le Secours Populaire a enregistré une augmentation de plus de 24% de ses arrivants, le chômage a touché les plus précaires, enfin la pauvreté concerne également les plus jeunes. La pauvreté monétaire stable touche un ménage sur dix, près d'un tiers des ménages exprime un sentiment de difficulté d'existence.

Au-delà du suivi des nombreux indicateurs relatifs à l'identification de la pauvreté, il importe de rechercher les mesures politiques pour mieux accompagner dans l'urgence ces populations en difficulté et, à terme, mieux prévenir les conditions de cette spirale infernale vers la pauvreté. Les trois causes principales de l'exclusion sont :

- la rupture sociale pendant son parcours,
- les handicaps physiques ou mentaux,
- et l'inadaptation professionnelle.

Ces trois niveaux d'exclusion sources de pauvreté sont à bien distinguer afin de définir une politique publique de soutien segmentée et appropriée à chaque population concernée. Tout d'abord, la rupture sociale durant son parcours (par le chômage, la maladie, ou l'incarcération), constitue une étape que de plus en plus de Français seront amenés à connaître. L'insertion doit être renforcée au niveau des chômeurs par un accompagnement spécifique selon les nombreuses situations présentées (chômage conjoncturel, technique ou de longue durée). Le cap de la maladie doit être géré par un meilleur suivi professionnel de transition (temps partiel, formation...). L'incarcération reste un volet oublié des politiques : au-delà du débat sur les pouvoirs des juges de l'application des peines, il serait également nécessaire de renforcer la politique de soutien à l'insertion des personnes incarcérées.

Par ailleurs, le traitement du handicap physique ou mental, bien identifié et suivi pour les mineurs, nécessite d'être davantage redéfini pour les populations adultes. Il serait nécessaire de renforcer les accompagnements notamment sur l'illettrisme et permettre de développer un soutien plus significatif en matière de formation continue.

Enfin, la lutte contre l'inadaptation professionnelle consécutive à l'absence de formation, l'échec scolaire et/ou social reste à améliorer. La France compte 3,1 millions d'illettrés, soit 9% de la population ayant été scolarisée, près de six sur dix occupent un emploi. La moitié a plus de 45 ans. Selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), 15% des chômeurs ont des difficultés à lire, écrire ou compter.

Chacun à son niveau doit se mobiliser : l'Education nationale, le secteur associatif, les fonctions publiques, les entreprises. Les contours des Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (anciens Geiq créés en 1990) doivent être redéfinis. Cette mobilisation collective de lutte contre la pauvreté doit, dès aujourd'hui, être un axe privilégié dans la conduite de toute initiative économique et sociale et constituer pour 2012 une cause nationale prioritaire.

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