Taxer les plus-values qui s'apparentent à des revenus

Gabriel François conseiller économique du groupe UFG-LFG
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La taxation des plus-values sur la résidence principale est un projet qui a beaucoup retenu l'attention et qui amène à aborder le problème plus général de la taxation des plus-values en capital. Parmi les différentes objections que peut susciter ce projet, l'une des plus importantes, qui n'a guère été beaucoup mise en avant, porte sur la question du « remploi » (des sommes encaissées). Qu'il s'agisse d'un changement de région ou de la recherche d'un logement plus grand, la chaîne d'opérations nécessaires risque d'être rompue par le poids de la charge fiscale malencontreuse qui interviendrait à chaque cession. Même si l'on prend soin de calculer la plus-value en tenant compte de l'inflation, la grande dispersion des prix sur le territoire laisserait apparaître dans certaines régions des plus-values en termes réels susceptibles de générer une charge fiscale décourageante.

 

Il apparaît donc que le problème de la taxation des plus-values sur la résidence principale a été mal posé : le remploi de la vente d'un bien par un achat de même nature doit clairement suffire à écarter toute taxation, car il n'y a aucune raison de pénaliser par principe celui qui change de logement par rapport à celui qui garde le même. Notons que cette prise en compte des remplois permettrait de régler de façon satisfaisante et nuancée ce problème toujours discuté et jamais résolu de la plus-value sur la résidence principale. Aussi longtemps qu'on en reste au calcul simpliste et brutal comparant un prix d'achat et un prix de vente, on n'a à choisir qu'entre une imposition absolument insupportable ou l'exonération totale. Au contraire, si l'on tient compte du remploi, l'imposition de la plus-value devient supportable si elle ne concerne que la somme nette perçue après rachat. Dans les faits, cela aboutit à arbitrer la fiscalité entre les générations en faisant porter la charge de l'impôt sur la partie la plus âgée de la population qui atteint l'âge de désinvestir éventuellement et non sur les générations plus jeunes qui s'établissent dans la vie. Le mode de calcul suggéré ici se justifie à l'évidence par des considérations de simple bon sens à la fois sur le plan de la justice (pourquoi pénaliser celui qui change de logement ?) ou sur celui de la pertinence économique (pourquoi décourager des transactions immobilières en réduisant de ce fait la fluidité du marché ?). Cependant, la prise en compte du remploi n'est pas seulement dictée par le sens commun, elle peut s'expliquer aussi par un raisonnement plus général visant à améliorer la logique du système fiscal et de surcroît applicable à d'autres types de placements.

 

L'idée fondamentale est qu'un placement quel qu'il soit peut avoir une double nature : bien de capital tant qu'il reste investi, mais aussi revenu lorsque le détenteur du bien a choisi d'en convertir tout ou partie en équivalent ? revenu par une vente suivie d'un retrait destiné à couvrir des dépenses courantes. Si une taxation de la plus-value peut être légitime, c'est lorsqu'elle s'applique à la partie du capital qui a été retirée et qui peut donc être assimilée à un revenu. C'est, d'ailleurs, dans ce cas et seulement dans ce cas, que l'on peut trouver une justification à la suggestion souvent exprimée d'aligner le taux d'imposition des produits du capital sur celui des revenus du travail. Une vraie différence de nature sépare donc un simple arbitrage entre deux placements et une vente suivie d'un retrait effectué dans le but de dépenser une partie du capital. Appliquer ce principe dans le domaine des valeurs mobilières permettrait de mettre un terme à une situation réellement choquante. Aujourd'hui, celui qui possède des actions PSA, par exemple, n'est pas imposé du fait de la hausse de ces titres aussi longtemps qu'il les garde mais, s'il décide de les arbitrer contre des actions Renault, il est lourdement taxé à l'occasion de la vente des actions PSA. Autrement dit, une gestion passive consistant à s'abstenir de toute opération se trouve actuellement avantagée par rapport à une gestion active qui procède le cas échéant à des arbitrages. Un tel illogisme ne peut que freiner les échanges et donc réduire fâcheusement la profondeur du marché. Au contraire, si l'on déduit de la vente la valeur du rachat, la plus-value éventuelle ne sera fiscalisée que si le remploi est seulement partiel.

La méthode de calcul préconisée ici serait dans la pratique d'application facile. En matière immobilière, on pourrait déduire du montant d'une vente les rachats d'autres biens immobiliers dans le délai d'un an par exemple. Et dans le cas d'un compte titres, on imposerait le montant des retraits nets du compte en lui appliquant le pourcentage moyen de plus-value de l'ensemble du compte. Notons, d'ailleurs, qu'un pareil mode de calcul rendrait caduque la pratique très répandue mais hautement artificielle et peu satisfaisante logiquement consistant à rechercher dans un portefeuille les moins-values enregistrées sur certains titres dans le seul but de les dégager officiellement avant la clôture de l'exercice.

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