Pour en finir avec le triste sort des victimes financières

Par Frédérice Peltier, Avocat chez Viguié Schmidt Peltier Juvigny
Copyright Reuters

L'AMF a publié, le 25 janvier, un rapport relatif à l'indemnisation des préjudices subis par les épargnants et les investisseurs. Véritable serpent de mer, cette question, au départ fédératrice, finit par diviser lorsqu'il s'agit de dessiner des solutions. Se résoudre à ce que les victimes de la Bourse ou de la souscription d'instruments financiers dont les promesses n'ont pas été tenues demeurent face à leurs pertes, sans recours efficace, est de plus en plus insupportable. La première constatation du groupe de réflexion présidé par des membres du collège de l'AMF a donc consisté à souligner les raisons d'agir pour permettre une réparation plus efficace des épargnants lésés. Selon le rapport, ce sont principalement les difficultés et les limites de l'obtention d'une réparation par les voies judiciaires traditionnelles, à savoir les tribunaux civils et pénaux, qui doivent conduire à modifier les choses.

L'accès à la justice coûte non seulement cher, mais les règles de procédure qui imposent à l'épargnant « de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » apparaissent comme un parcours du combattant. C'est donc la subtilité du régime de la responsabilité civile, exigeant d'apporter la preuve de la faute et du préjudice qui en résulte directement, qui serait, à en lire le rapport de l'AMF, inadaptée à la protection des épargnants.

Cela expliquerait que le combat de la réparation se joue plus sur le terrain de la justice pénale, moins coûteuse pour les victimes, qui avancent ainsi dans le sillage de l'action publique, voire vers de prétendus eldorados très propices aux victimes, les « securities class actions » américaines, où les avocats financent les procès. Néanmoins, dans les deux cas, les épargnants lésés n'y trouvent pas leur compte. Le pénal ne recouvre qu'un champ très limité, et le rêve américain a été brisé depuis que la Cour suprême des États-Unis, en juin 2010, a prié les investisseurs étrangers dans des sociétés étrangères d'aller laver leur linge sale ailleurs.

Le rapport de l'AMF, qui expose la grande complexité du problème, propose quelques solutions simples, lesquelles laissent inexorablement apparaître leurs limites. Voici quelques exemples.

Le contentieux coûte cher aux victimes, il faut donc éviter le contentieux pour favoriser la médiation. Cette solution pour régler les différends entre les banques ou prestataires de services d'investissement et leurs clients serait d'autant plus efficace si l'AMF était dotée de moyens coercitifs pour peser sur les professionnels afin d'octroyer ce qui, finalement, serait assimilé à « un geste commercial ». Mais cette médiation sous pression de l'AMF proposée dans le rapport n'est pas adaptée aux préjudices qui résultent des manquements les plus graves aux règles de transparence et d'équité des opérations boursières. Dans ce cas, le contentieux de la responsabilité demeure la seule voie possible pour obtenir réparation.

Pour aider les épargnants à faire la preuve de la faute, puis ensuite, aider les juges dans la détermination du préjudice et de la réparation adéquate, l'AMF propose le recours « gracieux » à son expertise. Le gendarme de la Bourse deviendrait une sorte d'auxiliaire de justice sachant. L'idée est empreinte de pragmatisme dans notre pays qui s'accommode de ce que sa justice fonctionne avec un budget indigent. Néanmoins, la difficulté de l'exercice de l'indemnisation des préjudices financiers n'est pas seulement procédurale, elle est conceptuelle. L'appréciation du dommage en droit français demeure stricte, elle est plus juridique que financière.

Derrière la controverse sur l'opportunité des « class actions » à la française, que l'AMF expose en demeurant aussi neutre que possible, les enjeux de la réparation des préjudices sur le marché boursier apparaissent dans leur dimension purement financière. Déterminer un préjudice boursier doit conduire à définir une population de victimes pouvant prétendre à une réparation sur des bases cohérentes. Or, cette réparation vise en réalité à compenser des pertes de valeur que le droit aura toujours du mal à imputer en totalité à une faute. Au surplus, la réparation n'est-elle pas finalement payée pas les investisseurs eux-mêmes, à tout le moins ceux n'appartenant pas au groupe des personnes indemnisées ? La limite du système est donc vite atteinte.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.