Le dilemme du parti républicain

Le Congrès américain est parvenu à débloquer la situation budgétaire, les républicains acceptant des concessions sur les coupes qu'ils réclamaient dans les dépenses publiques. Mais, ce faisant, ils ont mécontenté une partie de l'aile droite de leur électorat. Ils pourraient en payer le prix fort.
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Aux premiers abords, tout le monde semble sortir gagnant de l'accord budgétaire trouvé à la dernière minute vendredi dernier au Congrès américain. Alors que les négociations semblaient pourtant condamnées à l'impasse, les démocrates et les républicains sont parvenus à surmonter leurs divergences afin d'éviter une fermeture de nombreuses administrations. Une victoire en premier lieu pour Barack Obama. Le président américain a montré qu'il était toujours impliqué dans la gestion du pays, après s'être mis en retrait depuis la défaite concédée lors des élections de mi-mandat de novembre dernier. Ses adversaires politiques avaient ainsi vu dans l'annonce de sa candidature pour 2012 un signe qu'il était désormais plus préoccupé par sa réélection que par les graves problèmes du pays.

Mais Barack Obama a parfaitement su se muer en médiateur en chef, multipliant les rencontres avec les responsables des deux partis et chamboulant son agenda. Un rôle qu'il devra à nouveau endosser pour que les vingt derniers mois de son mandat ne se traduisent pas par un blocage parlementaire, la configuration actuelle (Chambre à majorité républicaine et Sénat contrôlé par les démocrates) permettant à chacun des deux camps de bloquer systématiquement les initiatives de l'autre.

Tout en reconnaissant la nécessité de réduire les déficits publics, les démocrates pourront pour leur part se féliciter d'avoir limité la portée et les effets négatifs de la baisse des dépenses. Ils n'ont finalement concédé que 38 milliards de dollars de coupes budgétaires, là où leurs opposants en voulaient initialement 61 milliards. Surtout, ils pourront souligner que cet accord épargne des programmes symboliques et ne satisfait pas certaines demandes idéologiques. Le meilleur exemple : le planning familial pour lequel leurs adversaires, poussés par leur aile conservatrice, voulaient couper tout financement public.

En face, les républicains se targueront d'être à l'origine des plus importantes coupes de l'histoire des Etats-Unis. Elles sont certes moins importantes qu'espéré mais ils ne pouvaient objectivement pas obtenir grand-chose de plus. A l'image de leur chef de file, John Boehner, ils ont su faire preuve de modération pour trouver un compromis. Et ils n'ont donc pas commis la même erreur qu'en 1995, lorsque la fermeture des administrations et leur politique d'obstruction systématique avaient grandement profité à Bill Clinton, confortablement réélu quelques mois plus tard.

En y regardant de plus près toutefois, le "Grand Old Party" ne sort pas forcément gagnant. Parce qu'il a fait des mécontents : les membres du Tea Party, son aile dure qui milite contre ce "Big Gouvernment" qui emprunte plus de 40 cents pour chaque dollar qu'il dépense. "Cet accord ne va pas nous permettre de résoudre nos problèmes de dépenses publiques et de déficits chroniques", a par exemple lancé Rand Paul, l'une des figures emblématique du mouvement. Il faut dire que le sénateur du Kentucky ne plaide ni plus ni moins que pour une interdiction constitutionnelle des déficits budgétaires. Selon un sondage effectué pour le " Wall Street Journal" et NBC, 68% des sympathisants du Tea Party souhaitaient que les républicains campent sur leurs positions. Leurs réactions n'ont donc pas été tendres : "une victoire totale pour les libéraux démocrates", "le succès d'enfants égoïstes incapables de prendre des décisions difficiles réclamées par les électeurs", "une déception pour des millions d'Américains qui attendaient 100 milliards de dollars de coupes", "rendez-vous en 2012"...

Voila parfaitement résumé le dilemme auquel fait désormais face le parti républicain en vue des prochaines élections. Il doit à la fois se montrer modéré et accepter des concessions pour ne pas se couper d'une partie de l'électorat, ces indépendants qui pourraient faire la différence. Dans le même temps, il doit contenter autant que possible son aile conservatrice et éviter d'alimenter un sentiment de frustration. Car le mouvement Tea Party sait fortement se mobiliser : lors des primaires des élections de mi-mandat, des candidats inconnus qu'il soutenait avaient ainsi créé la sensation et remporté l'investiture. Beaucoup avaient ensuite été battus par les démocrates, car trop radicaux.

"Les républicains auraient certainement pu faire encore mieux sans le Tea Party", nous expliquait alors Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à l'université de Columbia. Un scénario similaire l'année prochaine n'est pas à exclure, aussi bien pour les élections des représentants et des sénateurs que pour celle du président. Profitant d'un dispersement des voix, un candidat du Tea Party pourrait alors se retrouver en position de briguer la Maison-Blanche. Du pain béni pour Barack Obama.

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