La nouvelle garde à vue, garante d'une enquête plus transparente

Par Charles-Henri Boeringer, avocat à la cour Clifford Chance
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Alors que, sous la pression de la Cour de cassation, la réforme de la garde à vue est mise en oeuvre de façon anticipée par rapport au calendrier initial, les principaux syndicats policiers ont émis un communiqué commun déplorant un « déséquilibre inquiétant entre droits de la défense et moyens d'action des enquêteurs, au préjudice des victimes ». Les avocats quant à eux se disent également inquiets d'une réforme souvent qualifiée par eux de minimaliste.

Ces deux positions antagonistes vont immédiatement s'affronter au sein des commissariats et des gendarmeries dans un rapport de force dont l'enjeu n'est autre que d'instaurer une nouvelle pratique de la garde à vue. Au coeur de cet affrontement se trouve évidemment la nouvelle place que pourra occuper l'avocat dans le pré carré policier qu'est l'interrogatoire de garde à vue. Le sujet suscite tout à la fois l'angoisse des policiers et la frustration des avocats.

 

Sur le terrain, les policiers ne manqueront pas de rappeler aux impétrants qu'ils n'ont vocation à n'être que de simples observateurs silencieux du bon déroulement de la mesure privative de liberté, la réforme ne leur laissant que le loisir de poser quelques questions en fin d'audition. Les avocats feront valoir la prééminence des droits de la défense et leur nécessaire participation active à la manifestation de la vérité par le biais d'une confrontation équilibrée des parties.

Mais si la simple présence de l'avocat lors des auditions est un progrès majeur, il faut bien convenir que les policiers, en dépit de leurs cris d'alarme, ont préservé l'essentiel de leurs prérogatives et conservent l'avantage. Ils gardent en effet la direction et l'entière maîtrise des auditions, sans interférence de l'avocat qui fera acte de présence mais n'aura pas les moyens d'une véritable assistance au sens de la CEDH.

Malgré cela, les policiers n'abordent pas sereinement la mise en oeuvre de cette réforme car ils pensent qu'elle manifeste une méfiance à l'égard de leur travail. Or, cette méfiance provient moins de leurs méthodes que du fait que celles-ci s'exercent à l'abri de tous regards et sans contrôle effectif. Que l'on aille de procès en procès, il n'en est pas un où les révélations concédées par le suspect en garde à vue ne soient remises en cause à l'audience au motif qu'elles auraient été obtenues sous la contrainte ou la manipulation des policiers, sorties de leur contexte, extrapolées ou mal retranscrites. Ces critiques récurrentes, indépendamment de leur bien-fondé, se sont nourries de la large part d'ombre voilant la garde à vue à l'ancienne conçue, avec l'accord tacite des parquets, comme la chose des policiers.

 

Le fait que l'avocat puisse désormais assister aux interrogatoires rendra plus difficiles ces critiques et rétablira la valeur probatoire des actes de la garde à vue, aujourd'hui remisés à un second rang par la Cour de cassation puisqu'ils ne peuvent plus, à eux seuls, fonder la culpabilité du prévenu. Il n'en résultera pas non plus une « perte d'autorité » des policiers comme le craignent ses représentants. Car l'autorité de la police sur le suspect ne saurait provenir de la situation de vulnérabilité dans laquelle ce dernier était scrupuleusement maintenu jusqu'alors. Elle sera au contraire renforcée par une plus grande transparence de l'enquête, condition du rétablissement de la confiance dans leurs investigations, et donc de l'efficience de leurs résultats dans le procès pénal. La police, sans perdre ses prérogatives, verra ainsi son enquête consolidée dès lors qu'elle aura su s'adapter à la présence d'un tiers en garde à vue.

L'avocat, lui, fera 24 heures de présence aux côtés de son client (48 heures en cas de renouvellement) pour bien peu puisqu'on ne lui donne pas les moyens d'infléchir l'enquête, qu'on le prive du droit de consulter l'entier dossier de la procédure et qu'on circonscrit son intervention à 30 minutes d'entretien confidentiel avec son client et à quelques questions en toute fin d'audition. Pour éviter que son rôle ne serve que de caution au bon déroulement de la garde à vue (et que l'avocat ne donne, malgré lui, crédit aux aveux obtenus de son client), il ne pourra que faire des observations écrites relevant, le cas échéant, les difficultés qu'il aura pu observer.

Dans les prochains mois, gageons que l'angoisse des enquêteurs se sera apaisée, là où la frustration des avocats se sera attisée.

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