Réforme bancaire : la Grande-Bretagne fait avancer le débat

Par Nicolas Véron, économiste au sein du "think tank" Bruegel (Bruxelles) et chercheur invité au Peterson Institute for International Economics (Washington).
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La Commission indépendante sur le secteur bancaire, mise en place l'an dernier par le nouveau gouvernement britannique et présidée par l'économiste John Vickers, a publié le 11 avril un rapport d'étape qui représente un jalon important pour l'avenir des réformes bancaires. La relative timidité des réformes envisagées jusqu'à présent en réponse à la crise s'explique en partie par des facteurs politiques, mais aussi par un vaste déficit de clarté conceptuelle. De ce point de vue, la commission Vickers fait avancer le débat sur deux points essentiels.

Premièrement, le rapport renouvelle la discussion sur les rôles respectifs du niveau national et du niveau international pour réguler les intermédiaires financiers. L'idée de base est simple : les ménages et les petites entreprises ne franchissent pas les frontières pour ouvrir un compte ou demander un prêt, alors que les grands investisseurs et les multinationales peuvent optimiser leur recherche de financements ou d'investissement à travers le monde. En langage économique, les services financiers de détail sont pour l'essentiel non échangeables, alors que les activités de banque de financement et d'investissement sont échangeables.

Cela justifie une approche différenciée pour leur réglementation et leur surveillance : nationale pour la banque de détail, et internationale pour la banque de financement et d'investissement, pour laquelle le rapport renvoie pour l'essentiel aux négociations en cours au sein du Conseil pour la stabilité financière. L'erreur majeure du Royaume-Uni avant la crise avait été de négliger cette distinction : l'approche indulgente adoptée pour la City de Londres avait été extrapolée de manière indéfendable à la supervision des grandes banques britanniques de détail comme Northern Rock, HBOS et Royal Bank of Scotland, avec des résultats désastreux. Certes, établir une ligne de séparation précise entre les deux segments ne sera pas sans difficultés pratiques, similaires à celles actuellement rencontrées par les autorités américaines dans la mise en oeuvre de la "règle Volcker" interdisant aux banques de dépôt les activités de négoce pour compte propre. Mais la commission Vickers a sans doute raison de ne pas considérer ces difficultés comme insurmontables.

Le deuxième point fort est la manière dont le rapport positionne la politique de la concurrence comme un élément essentiel de la régulation du système financier. Pour diverses raisons, les superviseurs financiers ont souvent un biais favorable à la concentration du secteur et négligent le rôle potentiel de la concurrence pour assurer la discipline de marché et la stabilité financière. Mais une politique active de concurrence est indispensable pour relever le défi que représentent les banques "trop grosses pour faire faillite" ("too big to fail"). Sur ce point, le rapport concentre logiquement ses remarques sur la banque de détail dans le contexte britannique, avec notamment une recommandation de réduire la part de marché du groupe Lloyds ; toutefois, une politique active de la concurrence au niveau transfrontalier, bien que politiquement difficile au-delà de ce qui existe dans le cadre de l'UE, serait également essentielle pour une régulation efficace des banques d'investissement à travers le monde.

Le rapport d'étape a naturellement fait l'objet d'une attention particulière au Royaume-Uni, mais ses leçons valent tout autant pour l'Union européenne. A première vue, la proposition de cantonner les activités britanniques de banque de détail et de les soumettre à un régime spécifique semble contredire la vision d'un marché européen unique des services financiers. Mais, parce que le secteur financier a besoin d'être régulé pour bien fonctionner, une telle vision nécessiterait des institutions adéquates pour être crédible, à savoir une autorité centralisée pour la supervision des banques paneuropéennes et leur démantèlement en cas d'insolvabilité. La nouvelle Autorité bancaire européenne marque un progrès mais reste trop faible pour remplir ce rôle et, dans ce contexte, le marché bancaire unique ne peut que rester largement un voeu pieux. En mettant en lumière cette tension, la commission Vickers rend également service à l'Europe.

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