Traitement de choc pour les créances toxiques

Les cessions de créances douteuses qui ont doublé en 2010 doivent encore s'accroître. Seuls des professionnels de l'immobilier sont à même de les traiter efficacement.
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La ministre française de l'Économie, Christine Lagarde, s'est félicitée, à bon droit, de l'argent gagné par l'État français (2,7 milliards d'euros) en recouvrant la dernière échéance du prêt accordé en octobre 2008 aux banques françaises. Pour autant, les banques françaises sont-elles tirées d'affaire ? La renégociation de la dette grecque se profile et son seul rééchelonnement coûtera au moins 20 % des engagements consentis dans ce pays.

Le montant des créances douteuses recensées dans les bilans des banques françaises a culminé à 65 milliards d'euros au dernier trimestre 2009, et décroît depuis. Néanmoins, l'engagement qu'elles ont pris à l'égard de leurs actionnaires en prétendant pouvoir échapper à une recapitalisation suppose une vigilance extrême. Face à cet encours toxique, le doublement du montant des cessions de créances douteuses à près de 1 milliard d'euros au cours de l'année 2010 ne suffira pas et la situation du marché appelle à une accélération du rythme de ces dernières.

Il est vrai que, au regard des créances toxiques de l'ensemble des banques européennes (évalué en avril dernier par le cabinet PCW à 1.300 milliards d'euros), les banques françaises ne sont pas les plus mal loties. Cependant, leur effort de provisionnement au plus fort de la crise a été sélectif. Comme l'a souligné l'agence de notation Fitch, la majorité des provisions des banques françaises proviennent de leurs portefeuilles de crédit internationaux. Force est de reconnaître que, jusqu'ici, l'immobilier n'est pas apparu sur le devant de la scène. La crise ouverte par la chute de Lehman Brothers n'a pas, ou alors marginalement, contraint à des ventes forcées de créances immobilières Les banques qui ont reçu des aides de l'État pouvaient difficilement faire éclater une crise qui leur aurait coûté cher. À l'exception des deux grandes foncières détenues par des Espagnols (SFL et Gecina), dont les participations sont en cours de reclassement, les grandes foncières cotées ont apparemment bien traversé la crise et la seule à avoir réalisé une augmentation de capital d'urgence a été Klépierre;pierre, contrainte de refinancer une partie de ses centres commerciaux scandinaves. De même, la plus grande tour de bureaux d'Europe à La Défense, acquise par des fonds de la banque Lehman, a trouvé un refinancement lui permettant de tenir jusqu'à l'échéance initiale de ses prêts en 2014.

Trois catégories principales d'engagements peuvent être distinguées qui, chacune, appellent un traitement adapté. En premier lieu, il existe quelques milliards d'euros de créances à problème issues des particuliers et des très petites entreprises dans les bilans bancaires. Ces financements d'actifs sont assortis de sûretés assez faciles à mettre en oeuvre alors que les biens ne posent pas de problèmes particuliers pour une rapide revente judiciaire, en dernière extrémité.

Vient ensuite une petite dizaine de milliards d'euros qui ont été alimentés par des acteurs de l'immobilier tertiaire, ayant acheté dans la bulle en prenant des risques avec des rentabilités bien trop faibles de leurs acquisitions (inférieure à 4 % !). Dès lors que le taux de vacance de ces immeubles s'accroît, la catastrophe menace. Et leurs occupants sont en position de force pour renégocier leurs loyers à la baisse ! On retrouve ici les débiteurs des petites foncières cotées opportunistes ayant bénéficié de prêts, souvent à taux variables, et consentis à l'origine à des taux très bas.

La troisième catégorie de créances toxiques ne relève pas directement des banques. Mais on doit garder en tête que les acteurs financiers « non bancaires », parmi lesquels on retrouve les fonds de titrisation, sont à la tête du plus gros morceau des créances toxiques avec un montant que l'on peut évaluer à quelques centaines de milliards d'euros en France ! Le traitement des cas les plus difficiles pourrait avoir des retentissements sur l'ensemble du marché de bureaux.

Toutefois, le rachat de créances toxiques peut permettre de belles opérations pour ceux qui savent travailler l'actif sous-jacent. L'acquisition par le biais de dettes « distressed », et donc par nature très largement décotées, de biens immobiliers est de plus une stratégie vertueuse : l'achat d'un immeuble à bon compte permet à son nouveau propriétaire de le louer à des conditions inférieures à celles du marché.

Ainsi, tout en conservant de bons niveaux de rentabilité, offre-t-il une alternative plus économique permettant à ses futurs locataires de réduire leurs charges et/ou d'améliorer leur rentabilité opérationnelle. Cette pratique est en opposition avec les stratégies vautours de certains hedge funds qui poussent à la faillite des émetteurs afin d'optimiser leurs arbitrages (ces pratiques cannibales mériteraient de plus longs développements).

Les banques détentrices de portefeuilles de créances toxiques sont aujourd'hui confrontées à une multitude de problèmes. Les modifications des règles prudentielles dans le secteur bancaire ne leur laissent pas le temps d'attendre une amélioration de la conjoncture. Et leurs ressources actuelles sont utilisées au développement de leurs activités et non à la gestion de cadavres.

Enfin, et surtout, beaucoup de ces dettes ayant été provisionnées à 100 %, l'opportunité de les céder à une valeur supérieure à zéro leur permet d'effectuer des reprises sur provisions créant ainsi une ressource et des résultats supplémentaires. Le marché immobilier compte de bons professionnels qui sauront les épauler en reprenant le risque à leur compte tout en apportant des solutions créatrices de valeur pour les actifs concernés.

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