Sans volonté européenne, la contagion est certaine

Les partisans d'un retrait même temporaire de la Grèce de la zone euro sous-estiment gravement les phénomènes de contagion et de panique qui accompagnent toujours les crises financières, comme l'a encore montré l'affaire Lehman.
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En ma qualité de président d'une société de gestion pour compte de tiers, mon analyse me porte à croire que les agences de rating ont raison dans leur diagnostic : au Portugal, le système bancaire, de même que les entreprises et les particuliers doivent se désendetter. Ce mécanisme, qu'on ne peut que difficilement contrôler, est toutefois un exercice périlleux puisque les mesures qui l'accompagnent risquent de freiner la consommation et de retarder le retour de la croissance. Le Portugal aura sans doute besoin de nouvelles liquidités d'ici à 2013, ce qui implique, comme dans le cas de la Grèce, une nouvelle aide de l'Europe et éventuellement, un plan de restructuration, avec participation du secteur privé.

Même si la situation est différente dans les autres pays européens, les agents intègrent la probabilité même faible d'une restructuration coûteuse de la dette, et les taux ont augmenté non seulement dans les pays considérés comme les plus faibles (Irlande, Espagne) mais aussi pour d'autres jusqu'alors peu touchés mais dont l'endettement est si important que le niveau des taux d'emprunt prend le pas sur tous les efforts économiques (Italie). Cette hausse des taux dégrade les conditions de financement des États sur les marchés. Elle complique l'assainissement des finances publiques pour l'ensemble de la zone euro.

De nouvelles faillites bancaires pourraient en résulter, provoquant une nouvelle crise sur les marchés financiers. La contagion, qu'on voulait à tout prix éviter, a déjà commencé. Si les agences de rating ne créent pas ce mécanisme, elles tendent néanmoins à l'amplifier. M. Barnier a raison de demander la réduction de la dépendance, vis-à-vis de ces agences, des institutions comme la BCE, les fonds de pension ou les compagnies d'assurances. Il a également raison de suggérer que les notations ne soient plus prises en compte dans les règles prudentielles et en particulier dans les réglementations européennes. Les propositions récentes, qui vont dans le sens d'une suspension des ratings des pays bénéficiant d'une aide du FMI, ne me paraissent pas pertinentes. Compte tenu des erreurs passées, il me paraît plus utile d'auditer les process des agences de notation, et les moyens dont elles disposent, afin d'améliorer la qualité de leurs analyses. Quant à la création d'une agence de notation européenne, on peut se demander en quoi elle serait plus objective que les autres. Elle ne ferait que renforcer le rôle déjà trop important de ces institutions. C'est pourquoi je privilégie la responsabilisation des acteurs. Mais pour analyser correctement les finances des États, il faut que ceux-ci fournissent des chiffres fiables. Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle américain ou suédois ? La création d'une agence similaire au CBO (Congressional Budget Office) américain, qui fournirait des données fiables, et des outils d'analyse de scénario en fonction de variables économiques (taux d'intérêt, chômage, croissance, etc.). Il est crucial d'arrêter rapidement cette contagion.

Comme pour une entreprise ou une banque, le risque de liquidité pour un État est tout simplement mortel. Il est aussi mortel pour l'Europe. Sans préjuger des réformes indispensables à moyen ou long terme au bon fonctionnement de la zone euro, nous pensons qu'il existe au moins une possibilité d'éviter à court terme le scénario catastrophe de la contagion : il faut affirmer que le choix de l'Europe est bien de garder la Grèce en son sein. Il faut séparer le risque de liquidité du risque de solvabilité. Le risque de liquidité doit être couvert par le Fonds européen et le FMI (environ 700 milliards d'euros sont disponibles). Plutôt que de procéder à un échange de titres, la Grèce pourrait racheter sur le marché ses propres titres à un prix fixé, par exemple, à 70 % du nominal. Elle réaliserait ainsi une économie considérable sur sa dette. Cette solution ne constitue pas un défaut. Elle simplifie considérablement le problème de solvabilité et permet d'endiguer la contagion. La solvabilité doit être retrouvée par l'exécution du plan. L'Europe doit affirmer ce point auprès des marchés et du FMI. Elle doit garantir l'exécution de ce plan, sans conditionnalité : on ne peut imaginer un État indéfiniment insolvable, sauf à sortir de l'Europe.

Il faut donc aider concrètement la Grèce à mettre en oeuvre dans les meilleures conditions le plan d'assainissement voté par son Parlement : mise à disposition de fonctionnaires européens, implémentation de procédures ayant fait leurs preuves dans d'autres pays, etc.

En conclusion, l'Europe doit assurer la liquidité de la Grèce et garantir la bonne exécution du plan d'assainissement. Il est urgent d'afficher une volonté européenne pour enrayer ce nouveau tsunami financier.

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